Dans l'État américain de l'Ohio, ultra-permissif en matière de port d’armes, la police craint de faire face à des failles sécuritaires pendant la Convention républicaine à Cleveland, où Trump va être intronisé candidat à la présidentielle.
Et si le sacre de Donald Trump tournait au fiasco ? Il y a tout d’abord le climat délétère qui règne autour des forces de l’ordre, après la mort récente d’un Afro-Américain, début juillet, et l’assassinat de huit policiers le même mois, au Texas et en Louisiane. Il y a ensuite les discours sulfureux du candidat républicain, coutumier des sorties outrancières. Il y a surtout le lieu de son investiture officielle : Cleveland, dans l’Ohio, l’un des État américains les plus permissifs en matière de port d’armes.
C’est dans cette ville américaine de 400 000 habitants que s’est ouvert lundi 18 juillet la grand-messe républicaine, chargée de sacrer Donald Trump comme candidat à l’élection présidentielle américaine. La ville, particulièrement attachée au deuxième amendement de la Constitution, qui garantit à tout citoyen américain le droit de porter des armes, fait partie de ces États jusqu'au-boutistes en la matière : ici, le tout-venant peut porter une arme, sans permis particulier, et l’exhiber en public ("open carry"), même durant des rassemblements.
Poêles et boîtes de conserves interdites, armes autorisées
Pendant quatre jours, les policiers de Cleveland vont donc devoir veiller à ce que la Convention du Grand Old Party ne vire pas au cauchemar. Pas simple lorsque l’on sait que les armes seront autorisées partout sauf dans le petit périmètre autour de la salle du congrès où les délégués républicains et Donald Trump siègeront. Les parapluies, les boîtes de conserves ou encore les balles de tennis sont, eux, en revanche interdits sur tout le site, jugés trop dangereux.
Pour relever ce défi sécuritaire, les forces de l’ordre ont mis en place des mesures drastiques. Le complexe Arena a été isolé derrière des grilles de 2,5 mètres de haut et des blocs en béton en protègent l’accès. Les personnes accréditées (délégués, suppléants, presse, invités) sont les seuls à pouvoir entrer dans le bâtiment.
Black Panthers versus Bikers for Trump
Reste qu’hors les murs du Quicken Loans Arena, le casse-tête sécuritaire bat aussi son plein. Déjà confrontés à la menace permanente du terrorisme, les forces de l’ordre craignent d’autres débordements armés : une tuerie similaire à celle de Dallas, où un sniper isolé ouvre le feu sur des policiers, ou un carnage inter-militants. Le groupe d’extrême-droite Oath Keeper, les militants Bikers for Trump, ou encore le mouvement des nationalistes noirs New Blacks Panthers ont tous déclaré qu’ils viendraient armés à Cleveland pour soutenir ou s’opposer au candidat républicain. "Si c'est un État où l'on peut ouvertement porter des armes, nous exercerons notre droit […] car il y a d'autres groupes qui menacent d'être là et qui menacent de nous faire du mal", a précisé Hashim Nzinga, le président des New Blacks Panthers.
Pour éviter des rencontres malheureuses et canaliser les tensions, certaines rues ont été fermées au public et des hélicoptères survolent le centre. Ces mesures seront-elles suffisantes ? Face à la volatilité de la situation, des militants pro-armes ont, fait rare, demandé à rogner sur leur liberté constitutionnelle. Steve Loomis, le président d’un syndicat de police de Cleveland a exhorté il y a plusieurs jours John Kasich, le gouverneur de l’Ohio, à suspendre exceptionnellement les lois permettant le port d'armes pendant toute la durée de la convention républicaine. En vain.
"Une seule personne appuie sur la gâchette et tout peut dégénérer"
"Le gouverneur de l'État d'Ohio n'a pas le pouvoir pour suspendre des droits constitutionnels ou les lois de l'État", a déclaré le porte-parole du gouverneur dans un communiqué. "Je me fous de savoir s’il existe un précédent légal" a répondu Steve Loomis, particulièrement anxieux pour la sécurité de ses hommes. "Je pense qu’une personne devrait se lever pour défendre nos policiers."
Même dans les rangs des activistes pro-armes, l’inquiétude s’installe. "En tant que policier, je défends le second amendement mais dans la situation actuelle, je ne vois pas l’intérêt d’autoriser le port d’une arme", a par exemple déclaré à Reuters Bill Morris, un Américain pro-Trump de 50 ans. "Vous ne vous baladez pas autour de la Maison Blanche avec une arme. Ca devrait être la même chose ici". "Nous n’avons pas besoin de plus de violence", explique de son côté Tijuana Morris, une policière à la retraite, militante pro-arme mais anti-Trump. "J’ai laissé mon arme chez moi. Il y a trop de colère ici. [Tout pourrait dégénérer] si une seule personne appuie sur la détente."