
La communauté portugaise du quartier de Plaisance, dans le sud de Paris, a vécu un moment inoubliable, dimanche soir. Au bar Chez César et Paulo, ils ont savouré la victoire de leur équipe lors de la finale de l'Euro-2016. Reportage.
Enfin ! Le Portugal a enfin battu la France pour devenir champion d’Europe en cette soirée du dimanche 10 juillet, et César est sur son nuage. Le patron du bar Chez César et Paulo, situé dans le quartier Plaisance du 14e arrondissement, le plus portugais des quartiers parisiens, a longtemps souffert durant cette finale. Mais après les demi-finales malheureuses de l’Euro-2000 et du Mondial-2006, la Seleçao a fini par battre les Bleus, cette fois-ci en finale de l’Euro-2016 (1-0 ap).
"Je ne sais pas quoi dire, c’est grandiose", lâche, après la rencontre, César, qui a racheté ce bar de quartier il y a plus de 25 ans, juste après son arrivée en France. "Je suis au bout de mes émotions, je suis sonné. Ce n’est que demain que je réaliserai qu’on est champion d’Europe. Dans un moment comme ça, on oublie tout le reste et on savoure. Ça me rend tellement heureux".
C'est la folie à Plaisance !!! Victoire du Portugal 1-0 face à la France. #LiveFromChezCesarEtPaulo pic.twitter.com/rMGveoPzbV
— Romain Brunet (@romain2dc) 10 juillet 2016Quel contraste avec le milieu de la première mi-temps, lorsque Cristiano Ronaldo était à terre et a finalement dû céder sa place sur le terrain. Il fallait alors voir son visage. Comme la star de son équipe, César était en pleurs, bien conscient qu’il serait difficile de gagner sans le Ballon d’or 2008, 2013 et 2014. Regarder cette finale fut pour lui davantage une souffrance qu’une occasion de faire la fête. Assis au premier rang devant l’écran installé à l’intérieur, constamment en train de se ronger les ongles ou de souffler, l’écharpe rouge et verte autour du cou mais qui servait essentiellement à éponger son front, César a passé les 120 minutes de cette rencontre dans un stress total, l’air inquiet, parfois au bord de la rupture, semblant oublier qu’il y avait à l’intérieur de son bar et sur sa terrasse près d'une centaine de personnes, toutes prêtes à s’enflammer au moindre but.
"La génération moitié-moitié"
Pour cette soirée particulière, il y avait de nombreux habitués au bar Chez César et Paulo, comme Jorge et sa compagne Alexandra. "C’est un bar où on sait qu’il y aura toujours une forte présence de la communauté portugaise du 14e, donc c’est pour ça qu’on est là ce soir", raconte ce Franco-Portugais de 36 ans. Pour lui, cette finale avait un goût de revanche. "Ça fait tellement longtemps qu’on attendait d’être en finale. Et puis, surtout, contre la France, ça représente tellement. Je suis à l’image de tous les enfants d’immigrés portugais, qui sont arrivés en France dans les années 1970 et 1980. Ma mère est femme de ménage, mon père maçon. J’ai eu l’habitude de me faire charrier quand j’étais jeune, donc battre la France chez elle serait particulièrement savoureux", reconnaissait-il avant le match. Son vœu a été exaucé.
Jorge, 36 ans."On attend cette finale depuis tellement longtemps, surtout après toutes les critiques sur notre jeu" pic.twitter.com/kZVEzBkFyA
— Romain Brunet (@romain2dc) 10 juillet 2016Jorge est né à deux pas d’ici, dans le 15e arrondissement, a grandi en France et se sent totalement français. Mais lorsqu’il s’agit de sport, la culture du pays d’origine transmise par ses parents prend le dessus. "Nous sommes la génération moitié-moitié", lance son amie. Et visiblement, ils sont nombreux, comme lui, à avoir fait le même choix.
Ils sont également nombreux à avoir trouvé que les critiques sur le jeu de leur équipe durant cet Euro étaient injustes. "Des critiques très acerbes et un tantinet déplacées", selon Hermano Sanches-Ruivo, élu du 14e arrondissement à la Mairie de Paris, lui aussi présent dimanche soir Chez César et Paulo. Vaincre les Bleus sans Ronaldo avait donc une saveur particulière pour tous ces supporters. Et après le but d'Eder et le coup de sifflet final, c'est avec beaucoup d'ironie que ceux-ci ont pris un malin plaisir à chanter en cœur "On est dégueulasse ! On est dégueulasse ! On est dégueulasse !", en référence à un titre du quotidien 20 Minutes critiquant le jeu de la Seleçao.
Hermano Sanches-Ruivo, élu du 14e à la Mair. deParis. "La Fra se rend cpte qu'elle a une com. portugaise importante" pic.twitter.com/l7RWjVdBsq
— Romain Brunet (@romain2dc) 10 juillet 2016Davantage que cette petite rancœur, Hermano Sanches-Ruivo retient, lui, l'effet positif qu'a pu avoir le parcours du Portugal dans cette compétition. "Tout le monde en France sait qu'il y a des Portugais mais j'ai l'impression que, parce qu'il y a cet Euro et cette finale, on est en train de redécouvrir cette communauté portugaise, expliquait-il avant le match. Les Français réalisent que la communauté portugaise est importante. On a eu l'habitude de compter les Portugais par centaines. Là on a plutôt l'impression qu'ils sont des dizaines de milliers."
Ce ne sont certainement pas les habitants du quartier de Plaisance qui le contrediront. Entre les chants des supporters devant le bar, les pétards et les coups de klaxon qui ont longtemps retenti, la nuit a dû être courte. Et forcément inoubliable pour César.
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