À Vesoul, dans l'est de la France, huit jeunes gens issus de la classe moyenne se sont convertis à l'islam en un temps record et laissés séduire par la propagande de l’EI. En 2014, ils sont tous partis pour la Syrie. Enquête.
Vesoul, petite ville tranquille de 15 000 habitants dans le Grand Est de la France. Le taux de chômage se trouve dans la moyenne nationale et la délinquance y est limitée. En résumé, Vesoul n'est pas un lieu où le désespoir et le manque d'horizon engloutissent génération après génération. Pourtant, fin 2014, huit jeunes Vésuliens, hommes et femmes âgés de 20 à 30 ans et tous issus de la classe moyenne, se sont convertis à l’islam en quelques mois avant de partir faire le jihad en Syrie.
Pierre Choulet est le premier à être parti. Cet amoureux du vélo qui voulait devenir éducateur spécialisé a passé 16 mois en Syrie avant de se faire exploser en Irak, en février 2015. Selon sa mère, il était parti faire de l’humanitaire et il s’est fait endoctriner. "Il s'est fait avoir : il croyait être parti pour faire du bien, mais une fois là-bas il ne pouvait plus revenir…", croit savoir Marie-Agnès Choulet. "Pendant un an, [il racontait] dans ses e-mails qu'il faisait faire du sport aux petits Syriens, qu'il leur donnait à manger, qu'il faisait du bien, quoi… Et est arrivé un moment où on a senti qu'il avait vraiment basculé", soupire-t-elle.
Comment ces Français de la classe moyenne sont-ils devenus des membres du groupe État Islamique (EI) ? Tout semble avoir commencé sur Internet. Un film aux thèses complotistes, remettant en cause les grandes découvertes scientifiques, a notamment joué un rôle prépondérant. Puis ils ont commencé à rejeter le mode de vie occidental. À l’instar de Benjamin qui refusait de porter des "vêtements américains", selon son père. Peu à peu, le groupe s’est isolé, tournant le dos aux vieux amis et aux soirées à Vesoul.
Converti à l’islam, le groupe s’est mis à fréquenter assidûment la mosquée de Vesoul, mais à leurs yeux, les prêches y étaient trop libéraux, comme l’explique Romain dans une vidéo de propagande enregistrée en Syrie. "L'islam qu'ils nous prêchaient ce n'était pas l'islam. C'était un islam de France. Un islam pour plaire aux mécréants. On me disait de raser ma barbe. On me disait de pas porter le kamis… Et pourquoi ? Parce que ça faisait peur aux mécréants !", explique le jeune homme.
En 2014, sans prévenir personne, ils ont quitté Vesoul pour la Syrie. Pour le député-maire de Vesoul ce départ-groupé répond à une logique quasi-sectaire. "La seule réponse que moi j'y vois c'est la secte ! N'importe qui peut tomber dans une dérive sectaire, il suffit d'avoir quelques fragilités psychologiques, d'avoir quelques déceptions – professionnelles, amoureuses – d'avoir à un moment donné une recherche de son existence… Et bien, on vous met le grappin dessus et on ne vous lâche plus", explique Alain Chrétien, député maire de Vesoul.
Aujourd'hui Benjamin, Anaïs, Lucie, Homère, Romain, Nicolas et Sébastien Younès seraient toujours en Syrie. Et leurs proches nourrissent peu d’espoir de les revoir un jour vivants.