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"L'Outsider" : Jérôme Kerviel, de la salle des marchés aux salles de cinéma

Largement inspiré des déboires du trader Jérôme Kerviel à la Société Générale, "L'Outsider" sort ce mercredi sur les écrans. Une histoire que Christophe Barratier, son réalisateur, a voulu construire comme un thriller.

Toujours dans les prétoires et désormais dans les salles de cinéma. Mercredi 22 juin, sort sur les écrans "L'Outsider", le film que Christophe Barratier a consacré à Jérôme Kerviel, l’ancien trader de la Société Générale au cœur d’une affaire hors norme qui n'en finit pas de troubler le monde de la finance.

"Je pense que j'ai réussi à nous mettre dans la zone qui se rapproche de la vérité", déclare à l'AFP le réalisateur. Plus que la "vérité judiciaire", c'est la "vérité humaine", dit-il, qui l'intéressait. Parler de "Jérôme avant Kerviel" en quelque sorte. De ce jeune homme qui entre plein d'enthousiasme et de fierté en 2000 à la Société Générale, pour en partir en janvier 2008 sous les feux de l'actualité, accusé d'avoir causé une perte stratosphérique par des spéculations démentielles et frauduleuses.

Le livre de Kerviel comme base

En 2012, Christophe Barratier, auteur des "Choristes", un succès populaire, était sur les bancs du public lors du procès en appel de Jérôme Kerviel, dont la peine de cinq ans de prison dont trois ferme sera alors confirmée, de même que la condamnation à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts. Le réalisateur a assisté à toutes les audiences, et épluché le dossier.

Depuis, la Cour de cassation a confirmé la peine de prison, mais annulé la condamnation aux dommages et intérêts, réexaminée cette semaine par la cour d'appel de Versailles. Devant laquelle l'ex-trader a de nouveau affirmé que ses supérieurs directs étaient au courant des opérations qui lui ont été reprochées.

Et tout récemment, le 7 juin, les prud'hommes ont condamné la Société Générale à lui verser 455 000 euros pour licenciement "sans cause réelle ni sérieuse", décision spectaculaire contre laquelle la banque a fait appel.

Mais plutôt que de décortiquer cette bataille judiciaire, Christophe Barratier a pris pour base de travail le livre de Jérôme Kerviel sorti en 2010, avant son premier procès ("L'engrenage, mémoires d'un trader", publié chez Flammarion). L'histoire s'arrête en 2008, car "il fallait que le film reste valable quels que soient les coups de théâtre à venir", explique le réalisateur, qui a traité le sujet sur le mode "thriller".

Plans serrés de traders les yeux rivés à leurs écrans, séquences ultra-rapides, gros stress et rythme haletant sur fond de tours de la Générale dans le quartier d'affaires de La Défense filmées depuis un hélicoptère... "La qualité du film, c’est la manière dont Christophe Barratier parvient à filmer ces jeunes loups de la finance qui passent leur vie derrière des ordinateurs et des chiffres. Il y a un côté très physique et très tendu qui est réussi", juge Thomas Baurez, chroniqueur cinéma de France 24.

"La griserie des chiffres"

Dans son livre, le jeune homme né en Bretagne dans une famille modeste raconte comment il a fini par "succomber à la griserie des chiffres", qu'aucun garde-fou ne l'a freiné dès lors qu'il était une "bonne gagneuse", encouragé à gagner toujours plus. Au vu et au su de tous selon lui, ce que conteste la banque.

Dans le film, c’est Arthur Dupont qui joue le rôle titre. Au début, ses yeux clairs s'émerveillent de tout. Au long du film ses cernes montrent la fatigue, le passage dans une autre dimension, "l'engrenage". "Je fumais de plus en plus, dormais de moins en moins...", écrivait Jérôme Kerviel.

Christophe Barratier assure que l’ancien trader lui a donné "à peu près carte blanche pour le scénario", ne posant certaines exigences que pour les personnages de ses proches. "On sent que le réalisateur n’a pas voulu prendre parti afin d’éviter d’éventuels reproches, commente Thomas Baurez. Kerviel n’est donc jamais montré comme un chevalier blanc ou un type froid et manipulateur."

Une neutralité qui constitue la limite de "L’Outsider", selon le chroniqueur. Lorsqu’il s’agit de montrer le héros confronté à son quotidien, Barratier ne sait pas quoi faire. Cela aurait pourtant pu être salutaire pour montrer Kerviel face à ses propres contradictions. Le film est trop premier degré dans son traitement." Le cinéaste dit s'en être "tenu aux faits" pour construire le récit et s'interroger sur ce que pouvaient savoir les collègues de l'ancien employé de la Société Générale. Dont aucun, affirme-t-il, n'a voulu lui parler.

Avec AFP