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Cannes 2016 : en attendant la Palme, notre palmarès des prix qui n'existent pas

Prix de la meilleure chanson, de la plus belle montée des marches, du plus gros fou rire... En attendant que le jury de George Miller dévoile le palmarès du 69e Festival de Cannes, France 24 a élaboré le sien.

S’il y a quelqu’un qu’on ne remerciera jamais assez à Cannes, c’est Toby Rose. En 2001, ce journaliste britannique eut l’éclair de génie d’inventer la fameuse "Palme Dog" qui récompense chaque année la meilleure prestation canine dans un film en sélection officielle. Tous les ans, on se fend donc d’un petit paragraphe pour annoncer le lauréat. Ce qui est bien commode quand on ne sait pas trop comment commencer un article.

Comme déjà annoncé ici, c’est bien le bulldog de "Paterson" qui a été récompensé à titre posthume (le toutou est mort il y a quelques mois). En attendant que le jury présidé par George Miller délivre ce dimanche 22 mai, la Palme – la vraie –, nous avons créé, à l’instar de Toby Rose, nos propres prix destinés à mettre en lumière une prestation, une scène ou un moment du Festival qui risquent de sombrer à tout jamais dans l’oubli.

- Le prix du meilleur fou rire

On l’a dit, on s’est bien marrés durant la quinzaine. Dernière poilade en date : les désordres émotionnels d’Isabelle Huppert et de ses proches dans la comédie perverse de Paul Verhoeven, "Elle". Avant cela, on a eu droit aux délires burlesques de "Ma Loute", à l’humour pince-sans-rire du "Paterson" de Jim Jarmusch et aux facéties de "Toni Erdmann", papa loser à perruque et fausses dents qui reste l’un des personnages les plus marquants de ce 69e Festival de Cannes.

Mais le plus beau fou rire a eu lieu cette année non pas en salles mais à l’écran. Dans la salle à manger du huis clos "Sieranevada" où, après environ trois heures d’atermoiements familiaux coincés entre quatre murs, les personnages sont pris d’une irrépressible envie de rire. Hyper communicatif.

- Le prix du meilleur animal sauvage

Depuis l’attaque de grizzli dans "The Revenant", on reste sur nos gardes, guettant la moindre apparition d’une bête sauvage dans un coin de l’écran. En cela, la compétition aura été l’occasion d’éprouver nos instincts de chasseur. Allégorie de l’hostilité du monde ou d’un besoin de retour à l’état sauvage, les plus dangereux animaux ont multiplié les caméos, c'est-à-dire les apparitions furtives, lors de la compétition. Aussi avons-nous vu un très beau cerf courant sous la neige dans "Julieta" (de Pedro Almodovar), un lion des montagnes en train de saccager la chambre d’un motel dans le sanguinolent "The Neon Demon" (Nicolas Winding Refn) et un ours ouvrir grand sa gueule devant la jeune héroïne d’"American Honey", le décevant road-teen-movie d’Andrea Arnold.

Plus étrange encore, ce gros yéti  qui tape l'incruste dans une fête déshabillée à la fin de "Toni Erdmann". Imposante bestiole qu'on a aussi pu voir défiler sur le tapis rouge.

Le prix revient toutefois à l’inquiétant face-à-face loup-homme (plus un bébé) sur lequel se clôt bibliquement l’étrange "Rester vertical" du Français Alain Guiraudie. Une des plus belles scènes de ce Festival.

- Le prix Concours Eurovision du cinéma

La course à la Palme d’or avait des allures d’Eurovision cette année puisque près de la moitié des films en lice venaient du Vieux Continent (et ce sans la présence d’une seule œuvre italienne, ce qui est rare). Et si nous devions compter les points à la manière du concours de la chanson, ce serait très certainement la Roumanie qui sortirait vainqueur.

Tout d’abord pour la haute tenue de ses films. Le film-fleuve "Sieranevada" de Cristi Puiu comme le très dardennien "Baccalauréat" de son compatriote Cristian Mungiu (déjà lauréat d’une Palme d’or) font partie des long-métrages les mieux accueillis par les festivaliers. Tous deux sont des petits précis de mise en scène. Et tous deux ont cette capacité à capter quelque chose de leur pays, de son rapport au passé communiste, de ses mutations, de ses appréhensions, de ses pertes de repères, de son manque de confiance en soi, etc.

La Roumanie fut également à l’honneur dans la comédie allemande "Toni Erdmann". La grande partie du film se passe en effet à Bucarest, capitale européenne dont le dynamisme économique attire les grands groupes industriels et financiers. Quitte à ressembler à n’importe quelle ville mondialisée.

En à peine deux semaines et trois bons films, nous voilà devenus incollables sur la société roumaine. Encore un Festival comme ça et on va finir par parler la langue.

- Le prix de la meilleure chanson pop

On comptait sur Xavier Dolan pour nous sortir un bon vieux titre pop de derrière les fagots (comme Céline Dion dans "Mommy" ou Visage dans "Laurence Anyways"). C’est raté pour cette fois. Pour son huis clos familial "Juste la fin du monde", le réalisateur québécois avait fait appel à un célèbre compositeur de musique de film : Gabriel Yared, avec qui il avait déjà travaillé sur "Tom à la ferme". On a quand même pu entendre quelques tubes, comme "Numa Numa" du groupe moldave O-Zone ou un Moby des années 2000 en guise de chanson finale. Bof, bof.

On a aimé, en revanche, que le Brésilien Kleber Mendoça Filho ouvre "Aquarius" sur "Another one bites the dust", célèbre titre de Queen que les personnages du film découvrent pour la première fois sur un radio-cassette, à l’ancienne, quoi. Nostalgie, quand tu nous tiens.

Mais LA chanson de ce Festival restera celle chantée à tue-tête par le personnage féminin de "Toni Erdmann". Une vibrante reprise type karaoké de Whitney Houston, "The Greatest Love of All", qui a valu un tonnerre d’applaudissements lors de la projection presse (phénomène rare). Attention, frissons garantis.

- Le prix du meilleur apéro

Nous sommes restés bloqués dessus toute la quinzaine : "l’apéri" que Fabrice Luchini, alias André Van Peteghem, sert à ses invités dans "Ma Loute". Dans la famille Van Peteghem, on ne boit pas du whisky mais du "ouisseuki". "Vous reprendrez bien un petit ‘ouisseuki’ ?" est devenue la phrase la plus entendue à l’heure de l’apéro (avec "les glyciiiiiines !"). Ça va nous faire l’année, ce truc.

- Le prix de la meilleure montée de marches

La montée des marches la plus remarquée fut sans conteste celle de l’équipe du film "Aquarius" dénonçant, à l’aide de petites feuilles A4, un "coup d’État" mené au Brésil contre Dilma Rousseff. Une image forte qui a été relayée dans la presse internationale. Touchée par ce joli coup politique, la présidente brésilienne, écartée du pouvoir, a remercié, sur Twitter, les comédiens et le cinéaste de leur soutien.

Côté glamour, ce sont George Clooney et Julia Roberts qui ont offert le plus beau tapis rouge de la quinzaine. Aussi étonnant que cela puisse paraître, l’actrice de "Pretty Woman" n’était encore jamais venue à Cannes. De quoi provoquer une montée de fièvre parmi les photographes.

Devant la nuée d’objectifs, le duo, venu présenter "Money Monster" hors compétition, a fait le job. "Ils sont beaux, ils sont pro et visiblement contents d’être là", nous rapportait un photographe. Du pain béni.

- Le prix de la meilleure blague involontaire

Les festivaliers ont beau se creuser la tête pour sortir la meilleure vanne sur Twitter, ils n’atteindront jamais le niveau des stars. À force d’interviews et de conférences de presse, les célébrités finissent bien souvent par dire n’importe quoi. Auteur du navrant mélo humanitariste "The Last Face", Sean Penn est aussi à l’origine de la déclaration la plus embarrassante du Festival 2016 (et il y avait de la concurrence) : "Je voulais éviter l'impérialisme culturel, c'est pour ça que j'ai demandé à Hans Zimmer [compositeur américain] de composer de la musique africaine". Tout est dit.

On aurait bien décerné le prix à Léa Seydoux pour sa sortie sur son amour de l’Afrique, du parfum des Africaines et du poulet yassa, mais elle date un peu. C’est un petit malin qui a ressorti sur Twitter ces propos tenus en 2012 dans Paris Match. Il n’y a plus de respect.

Comme Léa Seydoux, quand je m'assois à côté d'un Suédois dans le bus, j'ai envie de monter une étagère Ikéa. pic.twitter.com/o6EK5jnOId

— Tania (@TaniaKessaouti) 19 mai 2016

- Le prix de la meilleure interprétation de Victor Hugo

Direct, on le donne à Benjamin Biolay. Bon OK, les candidats ne se bousculaient pas au portillon cette année, le chanteur était même le seul en lice pour le titre, mais sa prestation était assez fidèle. Vous pourrez en juger lors de la sortie en salles de "Personal Shopper" du Français Olivier Assayas.