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Environnement : les conclusions divergentes des études sur le glyphosate

Alors que l’Europe a ajourné son vote sur une prolongation - ou non - de l'autorisation de commercialisation du glyphosate, les études sur ce pesticide le plus vendu au monde se succèdent et, parfois, se contredisent.

La commercialisation du glyphosate sera-t-elle prolongée ? La commission européenne n’a toujours pas tranché. Le comité technique chargé de se prononcer sur le renouvellement pour l'UE de l'autorisation de cet herbicide controversé a dû ajourner son vote attendu jeudi 19 mai car aucune majorité qualifiée ne s'est dégagée parmi les États membres. Ce dossier brûlant, voit s’affronter depuis quelques années ONG et industriels commercialisant ce pesticide, le plus utilisé au monde, qui entre dans la composition de près de 750 produits phytosanitaires [susbtances herbicides, NDLR].

L’autorisation du glyphosate expirant fin juin, les Vingt-Huit devraient d'ici là se décider sur un renouvellement de l’autorisation du produit pour neuf ans, au lieu des 15 habituels, en raison des doutes sur les risques sanitaires.

Dangereux ou non, telle est la question

L’enjeu est de taille : un non entraînerait un retrait de la substance dans toute l’Union européenne. Dangereux ou non pour la santé humaine, telle est donc la question autour de laquelle s’écharpent les experts, à coups d’étude dont les conclusions peuvent diverger.

La plus récente, une étude de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), publiée lundi 16 mai, indique qu’il est "peu probable que le glyphosate provoque un risque cancérogène chez les humains qui y seraient exposés par l'alimentation". Une conclusion qui n’est pas celle du Centre international de recherche contre le cancer (Circ) également sous l’égide de l'OMS.

Le Circ avait, en mars 2015, classé le glyphosate comme cancérogène probable en cas de très forte exposition. Entre les deux, une analyse de l’Efsa (European Food Safety Authority , l’Autorité européenne de sécurité des aliments) de novembre 2015, indique que cette substance ne nécessiterait pas la classification de cancérogène dans la réglementation de l'UE sur la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances chimiques.

Comment comprendre ces avis et que penser de la dangerosité du glyphosate ? Le débat – passionné – va bien au-delà d'une querelle scientifique. Le glyphosate est l'une des substances chimiques les plus présentes dans les urines, y compris dans celles des parlementaires européens.

Étude sujette à caution pour les ONG

En ce qui concerne les deux études de l’OMS, l’instance elle-même souligne que les deux informations ne sont pas contradictoires, car l'étude du Circ portait sur un risque "probable" pour la santé humaine, notamment en cas de très forte exposition.

L'étude menée par l'OMS et la FAO s'est, elle, penchée sur les risques spécifiques liés à une exposition par l'ingestion de quantités limitées de glyphosate."Cette dernière étude ne porte pas sur la matière active, mais prend davantage en compte l’évaluation du risque dans son contexte d’utilisation", avance Émilien Guillot-Vignot, porte-parole de la plateforme GTF (Glyphosate Task Force) en France. En clair, un jardinier amateur qui répand du glyphosate dans son jardin n'en ingèrerait qu'une très faible quantité, ce qui induirait un risque faible sur la santé.

Mais pour Greenpeace, la dernière publication de l’OMS est sujette à caution, notamment en raison du manque d’indépendance des experts qui ont rendu ces conclusions. "Deux des experts qui ont conduit cette investigation, et pas des moindres, ont des liens directs avec les lobbies industriels puisqu’ils sont liés à l’Ilsi (International Life Sciences Institute ) – une organisation internationale notamment financée par Monsanto ou Syngenta, producteurs de pesticides" explique Suzanne Dalle, chargée de campagne Agriculture chez Greenpeace. Le Monde précise notamment que les deux scientifiques mis en cause sont le président et le vice-président de l’étude en question.

Quant aux conclusions de l’Efsa, Greenpeace, comme d’autres ONG environnementales, estime qu’elles sont également critiquables. "L’évaluation de l’Efsa est principalement basée sur des études confidentielles remises par les industriels commercialisant du glyphosate ; alors que celle du Circ s’appuie sur une base beaucoup plus large", poursuit Suzanne Dalle. Des conclusions d'autant plus discutables que le panel d'experts ayant participé à l'évaluation est anonyme, ce que dénoncent une centaine de scientifiques indépendants.

Les chances pour que l’autorisation de commercialisation du glyphosate ne soit pas accordée restent minces, reconnaît Greenpeace. D’autant que seuls deux États européens, l’Autriche et la France, se sont prononcés contre ce renouvellement. Mercredi 18 mai, la ministre française de la Santé, Marisol Touraine, a catégoriquement rejeté ce renouvellement sur France Info. "Indépendamment des débats sur le caractère cancérigène ou non du glyphosate (...) les études dont nous disposons montrent que c'est un perturbateur endocrinien", a tranché la ministre.