
Cinq ans après son arrestation, l'ancienne star de la police lyonnaise Michel Neyret a comparu lundi devant le tribunal correctionnel de Paris pour corruption et trafic de stupéfiants. "Je me suis laissé déborder par la situation", a-t-il expliqué.
Lors de son arrivée au tribunal correctionnel de Paris, où il est jugé depuis lundi pour corruption et trafic de stupéfiants aux côtés de huit autres prévenus, l'ex-numéro 2 de la PJ de Lyon Michel Neyret arborait un sourire, puis il s’est engouffré dans la salle d’audience sans faire de commentaire.
Son avocat, Me Yves Sauvayre, a cependant assuré que son client était "combatif" et impatient d'en finir avec cette affaire. "Il est raisonnablement optimiste", a-t-il ajouté.
"Je me suis laissé déborder par la situation"
Au premier jour d'audience, lundi 2 mai, le président du tribunal Olivier Geron est entré dans le vif du sujet en évoquant les relations du policier et de ses indics. Celui qui dirigea durant 20 ans la prestigieuse brigade antigang de Lyon est soupçonné d’avoir accepté des séjours de luxe et cadeaux en échange de renseignements et de services, ainsi que de s'être procuré ou d'avoir tenté de se procurer du cannabis provenant de saisies pour rétribuer des informateurs.
À la barre, Michel Neyret a raconté s'être "jeté à corps perdu dans une politique de renseignement pour infiltrer le milieu et décrocher des flagrants délits" lorsqu'il était patron de l'antigang. Il a aussi justifié avoir conservé ses propres indicateurs après être devenu numéro 2 de la PJ, même s'il n'était plus sur le terrain, en raison de "sa relation personnelle" avec eux. "Je devais leur démontrer qu'ils pouvaient avoir confiance en moi. C'est vrai qu'il m'est arrivé de leur fournir des informations", a-t-il admis, tout en assurant n'avoir "jamais rien fait" pour entraver une enquête.
Questionné par le président sur son étrange relation avec les "indics" visés dans la procédure, qui n'étaient pas inscrits sur le fichier national des informateurs de police, avec lesquels il s'affichait pendant les vacances ou dont il empruntait les voitures de luxe, le policier a concédé "des imprudences". "Je pensais à l'époque maîtriser les choses. Je n'ai pas fait preuve de professionnalisme dans leur gestion, d'une approche intelligente, je me suis laissé déborder par la situation", a-t-il expliqué. Le superflic concède ainsi des défaillances, mais se défend de toute malhonnêteté.
Une peine de dix ans de prison
Sa position ne risque pas d'être contredite par ses présumés corrupteurs, deux des trois membres du milieu lyonnais au centre du dossier étant absents au procès. Seul Cyril Astruc s'est présenté lundi à l'audience. Stéphane Alzraa est en fuite et le tribunal n'a pu que constater l'absence de Gilles Benichou. Ils sont représentés par leurs avocats. Parmi les autres prévenus se trouvent également son épouse Nicole, trois de ses anciens subordonnés, Christophe Gavat, Jean-Paul Marty et Gilles Guillotin, et un avocat, Me David Metaxas.
Pendant ses 32 ans de carrière, le policier, adulé de ses équipes et de ses supérieurs, a multiplié les performances dans des enquêtes sensibles visant des braqueurs, trafiquants de drogues ou terroristes qui ont bâti sa légende et lui ont valu la Légion d'honneur.
Une réputation qui a volé en éclats le 29 septembre 2011, lorsqu’il a été interpellé à son domicile avec sa femme par la police des polices, après des écoutes réalisées dans le cadre d'une enquête sur une saisie de drogue en région parisienne. Mis en examen pour corruption, il sera écroué huit mois avant d'être révoqué de la police et mis à la retraite. Aujourd’hui poursuivi pour huit délits dont corruption et trafic d'influence passifs et détournement de scellés de stupéfiant, il encourt 10 ans de prison et 7,5 millions d'euros d'amende
Avec AFP et Reuters