Quelques heures après l'incendie d'une salle de prière musulmane en Corse, très tôt samedi, le procureur de la République d'Ajaccio a indiqué que la piste criminelle était privilégiée. Le feu a causé d'importants dégâts sans faire de blessés.
Le procureur de la République d'Ajaccio, Éric Bouillard, a indiqué que la piste criminelle était privilégiée quelques heures après l'incendie d'une salle de prière musulmane, ravagée très tôt dans la nuit du vendredi 29 avril au samedi 30 avril. Cet incendie intervient quelques mois après les débordements racistes et antimusulmans, qui avaient émaillé des manifestations dans un quartier populaire de la ville.
Le sinistre s'est déclenché vers 4 h 30 et a été découvert vers 5 h dans cette salle de prière située dans le quartier de Mezzavia. Les murs noircis de l'édifice tenaient encore debout samedi en milieu de matinée, mais l'ensemble était très fortement endommagé, bien que les pompiers aient pu rapidement maîtriser le feu.
Ouverture d’une enquête pour dégradation par incendie
Très tôt samedi, le préfet de Corse Christophe Mirmand a évoqué "des traces d'hydrocarbures" découvertes lors des premiers relevés. Les agents de la police scientifique s'affairaient toujours en milieu de matinée dans et aux abords du bâtiment, tandis qu'un hélicoptère de la gendarmerie survolait les lieux. L'enquête ouverte pour dégradation par incendie a été confiée à la police judiciaire et aux enquêteurs de la sécurité publique.
Dans un communiqué, le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a fait part de sa "solidarité aux musulmans de Corse". "Si l'origine criminelle est confirmée elle donnera lieu à la recherche active des auteurs, qui devront répondre de cet acte inacceptable devant la justice.
"Consternation" des élus nationalistes
Les dirigeants de l'île, le président autonomiste de l'exécutif Gilles Simeoni et le président indépendantiste de l'Assemblée territoriale Jean-Guy Talamoni, ont fait part dans un communiqué commun de leur "consternation". "S'en prendre à un lieu de culte est un acte incompréhensible et inacceptable, contraire aux valeurs fondamentales du peuple corse, et notamment à la tradition multiséculaire de tolérance religieuse héritée de Pasquale Paoli [philosophe et homme politique considéré comme le père de l'identité corse, NDLR]", ont-ils ajouté.
Ce sinistre survient quelques mois après les débordements racistes et antimusulmans qui avaient accompagné les manifestations ayant suivi l'agression de pompiers attirés dans un guet-apens dans le quartier populaire des Jardins de l'Empereur, la veille de Noël à Ajaccio. Une salle de prière musulmane, située à proximité de ce quartier, avait notamment été saccagée et des exemplaires du Coran partiellement brûlés. Des slogans comme "Arabi fora" ("les Arabes dehors", NDLR) ou "On est chez nous" avaient été scandés au cours de ces défilés dans le quartier populaire.
Après ces incidents, quelques actes antimusulmans ou racistes avaient encore été enregistrés dans les semaines suivantes, notamment le dépôt d'une dépouille de sanglier devant une salle de prière musulmane, et des graffitis "les Arabes dehors" au bord des routes.
Avec AFP