Le ministre de l’Économie Emmanuel Macron affirme dans une interview, dimanche, sur Arte que "la gauche aujourd'hui ne [le] satisfait pas". Une nouvelle critique qui fait écho aux mises en garde du patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis.
Emmanuel Macron affiche une omniprésence médiatique que pourraient lui envier certaines personnalités politiques françaises. Un intérêt que les médias accordent d’autant plus facilement au ministre de l’Économie qu’il n’est pas avare de petites phrases-choc, dont la dernière en date : dans une interview, accordée à Arte cinq jours après le lancement de son mouvement "En Marche", qui sera diffusée dimanche 24 avril, il lance un nouveau pavé dans la mare du Parti socialiste (PS). "La gauche aujourd’hui ne me satisfait pas", affirme-t-il sans sourciller.
"Moi je ne mens pas aux gens, je dis ce que je pense, je le dis depuis le début. Je suis de gauche, c'est mon histoire. Mais la gauche aujourd'hui ne me satisfait pas. […] À mes yeux, le vrai clivage dans notre pays [...] est entre progressistes et conservateurs, c'est ce clivage que je veux rebâtir maintenant et je ne veux pas attendre 2017. […] Je veux pouvoir construire une action commune avec toutes les bonnes volontés qui croient à ce progressisme pour le pays", insiste-t-il dans les extraits diffusés par Arte.
Iconoclaste
Ce n’est pas la première fois qu’Emmanuel Macron tient un tel discours iconoclaste avec la volonté de rassembler tout à la fois. Régulièrement, il se positionne à la croisée des chemins partisans, se revendiquant "ni à droite, ni à gauche", à l’image de son nouveau mouvement. Mais cette fois, il semble prendre ses distances vis-à-vis de son propre camp, déclarant placer le "pays" au cœur de ses préoccupations et faisant allusion à "2017" bien qu’il se défende de vouloir être candidat.
Au sein du gouvernement, les réactions sont pour l’instant peu nombreuses, Emmanuel Macron ayant habitué les socialistes à pire avec ses déclarations remettant en cause les 35 heures, fustigeant le statut des fonctionnaires ou la difficulté d’être entrepreneur en France.
Le secrétaire d'État aux Relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, qui était invité du Grand rendez-vous d’Europe 1, du Monde et d’iTélé, dimanche, a fait part de sa confiance qu’il place chez le ministre de l’Économie : "Je ne crois absolument pas qu'Emmanuel Macron soit candidat face à François Hollande. Il sera à ses côtés."
Même réaction lors du rendez-vous dominical rival, le Grand Jury RTL, Le Figaro et LCI, où le ministre de l’Agriculture et porte-parole du gouvernement, Stéphane le Foll, proche de François Hollande, a assuré ne "rien reprocher" à Emmanuel Macron. Il a au contraire salué l’attitude de son collègue : "Il distille de l'optimisme. On doit collectivement reprendre cette idée".
Quant au président François Hollande ou au Premier ministre Manuel Valls, ils se sont abstenus de tout commentaire.
Brutus plutôt que Sully ?
Hasard du calendrier médiatique, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, s’exprimait, dimanche, dans une interview accordée au Journal du dimanche. Sans connaître la teneur des propos d’Emmanuel Macron, pas encore diffusés lors de l’entretien avec les journalistes, il a répondu à une question fort à propos concernant l’indulgence dont bénéficie le locataire de Bercy au sommet de l’État. "Emmanuel Macron s’imaginait en Sully (le surintendant des finances du roi Henri IV, NDLR), il ne faudrait pas qu’il finisse en Brutus (l’ancien protégé de Jules César devenu son assassin), comme certains l’y poussent."
Jean-Christophe Cambadélis a également critiqué la volonté d’Emmanuel Macron de cultiver un positionnement non-partisan. "Soit il élargit la majorité présidentielle en s'adressant à des gens qui ne nous écoutent pas, et à ce moment-là, il fait sa part de travail, soit il veut se substituer à la gauche. Mais on ne peut pas le faire dans le ni-ni. Cette ligne qu'il prétend porter ne permet pas de rassembler. […] Le problème posé à la France, c’est une triple refondation : de la République, de la droite et de la gauche, et pas la dissolution des trois dans une soupe."
Si la part du débat politique consacrée au jeune ministre prend l’ampleur d’une bulle, sa trajectoire, pour l’instant météorique, pourrait perdre de sa superbe. Et reste à savoir si ses collègues ministres, une fois l’intimité du Conseil des ministres de mercredi retrouvée, seront aussi cordiaux que sur les plateaux télés.