Le gouvernement allemand a confirmé qu'environ 6 000 réfugiés mineurs avaient disparu en 2015. Les autorités ne savent pas ce qu’ils sont devenus et les ONG redoutent une implication du crime organisé.
C’est une face très obscure de la crise des migrants en Allemagne. Le ministère de l’Intérieur a reconnu que 5 835 réfugiés mineurs avaient disparu en 2015, a appris le quotidien Berliner Morgenpost, lundi 11 avril. Les autorités craignent qu’une partie d’entre eux se soient retrouvés à la merci du crime organisé.
Sur ces près de 6 000 jeunes réfugiés qui manquent à l’appel, 555 sont âgés de moins de 14 ans, s’alarme le gouvernement allemand. L’écrasante majorité de ces disparus vient de Syrie, d’Afghanistan, d’Érythrée et du Maroc, précise le ministère dans un courrier au Parlement.
Crime organisé ?
Ces données concernent les réfugiés mineurs non accompagnés entrés en Allemagne. En 2015, un peu plus de 15 000 ont déposé une demande d’asile, mais un certain nombre d’entre eux disparaissent avant d’avoir pu terminer leurs démarches, reconnaissent les autorités.
“Ces jeunes non accompagnés sont pourtant censés être bien mieux suivis que les mineurs accompagnés puisqu’il y a un cadre légal de protection spécifique pour eux”, souligne une porte-parole de l’association Save the children en Allemagne. Ils n’ont pas à passer par la case des centres d'accueil d’urgence, ce sont les services sociaux qui les prennent directement en charge. Leur disparition démontre les limites de ce dispositif d’accueil et de suivi.
Dans le meilleur des cas, ils se volatilisent pour retrouver des membres de leur famille sans avoir à se plier au parcours du combattant administratif pour bénéficier du regroupement familial. Mais le crime organisé ne serait pas étranger à cette vague de disparitions, redoutent les autorités et les ONG. Le nombre élevé de jeunes dont les services sociaux perdent la trace devrait pousser l’État a prendre “encore plus au sérieux le risque d’exploitation de ces jeunes qui peuvent être obligés de se prostituer”, affirme au Berliner Morgenpost Luise Amtsberg, responsable des questions d’immigration au sein du parti Les Verts allemands.
Un phénomène européen
La question est d'autant plus sensible en Allemagne qu'en octobre 2015, un fait divers avait choqué le pays : un jeune réfugié de quatre ans avait été enlevé juste devant un bâtiment des services sociaux à Berlin, et son corps mutilé avait été retrouvé plusieurs semaines plus tard.
Les ONG craignent également que ces mineurs vulnérables alimentent les filières de trafic d’organes. Certains d'entre eux pourraient aussi avoir été recrutés de force pour effectuer des menus larcins ou utilisés comme une main d’œuvre à très bas coût dans les arrières cuisines ou les ateliers clandestins de confection, a constaté l’association Save the children en Italie, où des disparitions d’enfants réfugiés ont également été constatées.
Car l'Allemagne n’est pas le seul pays touché. C’est un phénomène européen, a constaté l’agence européenne de police Europol. Fin mars, l’un de ses responsables avait estimé qu’en deux ans, 10 000 réfugiés mineurs avaient disparu à travers l'Europe sur la base des données fournies par les États. Un chiffrage a minima, a reconnu l'agence contactée par France 24.