
Le transfert de Salah Abdeslam est suspendu mais pas remis en cause, a précisé vendredi le ministre français de la Justice. Mais il est "beaucoup trop tôt" pour savoir quand, selon le parquet fédéral belge.
Salah Abdeslam, suspect clé des attentats du 13 novembre à Paris, dont le transfèrement était considéré comme imminent, est maintenu en détention en Belgique. Ce maintien "suspend [sa] remise [immédiate à la France] mais n'en remet pas en cause le principe", a indiqué vendredi 8 avril le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, dans un communiqué.
Mais concernant la date de son transfert en France, le parquet fédéral belge a estimé qu'il était "beaucoup trop tôt" pour se prononcer, alors que son avocat belge Me Sven Mary avait indiqué que la remise aurait lieu "d'ici à plusieurs semaines".
Ce délai imprévu est dû aux besoins de la justice belge qui souhaite entendre Salah Abdeslam dans une autre enquête, sur la fusillade survenue à Bruxelles trois jours avant son arrestation. Le 15 mars, dans la commune bruxelloise de Forest, une opération de police liée aux attentats de Paris avait dégénéré.
Un complice présumé d'Abdeslam, l'Algérien Mohamed Belkaïd, avait alors été tué par la police, et deux autres hommes s'étaient enfuis. Salah Abdeslam est soupçonné d'être l'un d'eux et il intéresse les enquêteurs car lors de l'opération "il y a eu des coups de feu sur les officiers de police", a précisé l'avocat.
Abdeslam pas inculpé à ce stade dans l’enquête sur les attentats de Bruxelles
Interrogé sur une éventuelle audition de Salah Abdeslam dans l'enquête sur les attentats de Bruxelles du 22 mars, Sven Mary a indiqué qu'aucune audition n'était prévue à ce stade, rappelant que son client n'avait pas été inculpé dans ce dossier.
Mais les enquêteurs s'interrogent sur le rôle qu'il aurait pu jouer dans ces attentats-suicides s'il n'avait pas été arrêté quatre jours plus tôt. Aurait-il pu permettre de déjouer les tueries ? Devait-il y participer ?
Le Français, qui a grandi dans la commune sensible de Molenbeek où il a été arrêté, semble au cœur de la cellule jihadiste qui a semé la mort à Paris le 13 novembre (130 morts), puis à Bruxelles le 22 mars (32 morts).
Il a "eu un rôle central dans la constitution des commandos" et "dans la préparation logistique" des attentats parisiens, avait indiqué le procureur de la République de Paris, François Molins. Et il a au moins convoyé les kamikazes du Stade de France (à Saint-Denis, en banlieue parisienne).
Dans ses premières déclarations, le 19 mars, il a minimisé son rôle et chargé Abaaoud, expliquant qu'il avait voulu "se faire exploser au Stade de France" avant de faire "machine arrière", selon François Molins. Depuis, il s'est muré dans le silence.
"Mon client dit qu'il lui a donné une tout autre version", a déclaré à l'AFP Me Carine Couquelet, avocate de Hamza Attou, l'un des deux hommes venus récupérer Salah Abdeslam à Paris le soir du 13 novembre. "Il lui aurait expliqué que sa ceinture d'explosifs n'avait pas fonctionné ce soir-là", ajoutant "ils vont payer pour la mort de mon frère", Brahim, l'un des kamikazes qui s'est fait exploser dans une brasserie parisienne, d'après l'avocate.
Visite à Bruxelles de la commission d’enquête parlementaire sur le 13-Novembre
Les enquêteurs se demandent si Salah Abdeslam n'était pas chargé d'un attentat dans le 18e arrondissement de Paris, où a été retrouvée l'une des voitures utilisées par le commando. Cette attaque, mentionnée dans la revendication de l’organisation jihadiste de l’État islamique (EI), n'a pas eu lieu.
Hasard du calendrier, la commission d'enquête parlementaire française sur les attentats du 13 novembre se rend ce jeudi à Bruxelles et doit rencontrer des responsables européens de la lutte antiterroriste, des services de renseignement et du parquet belges. Une conférence de presse est prévue à 18h (16h GMT).
Avec AFP