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La culture politique française aurait-elle un lien avec la violence islamiste ?

Selon l’étude de deux chercheurs américains spécialistes des mouvements extrémistes sunnites, la culture politique française, notamment laïque, pourrait jouer un rôle clé dans la radicalisation jihadiste.

Les récents attentats de Bruxelles et ceux de Paris en janvier et novembre 2015 ont mis en lumière une vérité troublante : "Les jihadistes constituent une plus grande menace pour la France et la Belgique que pour le reste de l’Europe." Voilà ce qu’écrivent William McCants et Christopher Meserole, chercheurs à la Brookings Institution, dans leur article intitulé "The French Connection", publié le 24 mars dans le magazine américain Foreign Affairs.

Selon les deux chercheurs, "aussi étrange que cela puisse paraître, quatre des cinq pays avec les plus forts taux de radicalisation du monde sont francophones, dont les deux plus importants en Europe (France et Belgique)".

La francophonie, meilleur facteur de prédiction de la radicalisation

On estime que 1 700 Français et 470 Belges ont rejoint l’organisation État islamique et d’autres groupes extrémistes violents en Syrie et en Irak. Le Soufan Group, qui a publié ces données en décembre 2015, indique aussi que la France et la Belgique ont les plus hauts ratios de combattants jihadistes, rapporté au nombre d'habitants.

En examinant d’une part les pays d’origines des combattants étrangers sunnites en Syrie et les lieux des attaques terroristes sunnites d’autre part, McCants et Meserole sont arrivés à une conclusion "surprenante" : le facteur permettant le mieux de prédire le taux de radicalisation était le fait que le pays soit francophone.

Les deux chercheurs américains le considèrent comme un élément plus décisif que le PIB, la qualité du système éducatif d’un pays, le niveau d’éducation des jihadistes, leurs revenus ou leur capacité d’accès à Internet.

Une laïcité "agressive"

McCants et Meserole en concluent que la culture politique française semble fortement liée à des taux de radicalisation de la population relativement élevés. "L’approche française de la laïcité est plus agressive que celle, entre autres, du Royaume-Uni. La France et la Belgique, par exemple, sont les deux seuls pays à interdire le port du voile intégral dans leurs écoles publiques."

En comparant le nombre de ressortissants combattants jihadistes au nombre total de musulmans dans le pays, les auteurs constatent que la Belgique a un taux de radicalisation par tête plus élevé que le Royaume-Uni, ou même l’Arabie saoudite. Même si, en valeur absolue, les ressortissants de ces deux pays constituent les deux plus gros contingents de combattants étrangers dans les groupes islamistes de Syrie et d’Irak.

McCants et Meserole soulignent enfin l’importance de deux autres facteurs dans la radicalisation : le chômage de masse chez les jeunes et l’urbanisation. La combinaison d’un taux d’urbanisation entre 60 et 80 % et d’un taux de chômage des jeunes entre 10 et 30 % pourrait prédisposer au phénomène de radicalisation.

"Lorsqu’une large portion de la jeunesse est inoccupée, on peut imaginer que certains finiront par faire des bêtises, expliquent les deux chercheurs. Quand les jeunes vivent dans de grandes villes, ils ont davantage l’opportunité de se lier à des individus proches de l’intégrisme. Et quand ces villes sont situées dans des pays francophones qui appliquent l’approche française draconienne de la laïcité, le fondamentalisme sunnite est plus attirant."

Pour McCants et Meserole, ces facteurs pourraient expliquer pourquoi certaines banlieues parisiennes, ou le quartier de Molenbeek, à Bruxelles, ou encore la ville tunisienne de Ben Gardane présentent des taux de radicalisation nettement plus importants.