Recherché par la justice péruvienne à la suite des récents affrontements entre policiers et indigènes qui ont fait 35 morts, le chef du principal collectif amérindien du Pérou, Alberto Pizango, s'est réfugié à l'ambassade du Nicaragua.
AFP - Le principal leader indigène au Pérou s'est réfugié à l'ambassade du Nicaragua, indice d'une tension encore palpable mardi, quatre jours après des violences entre police et Indiens amazoniens qui ont fait 34 morts dans le nord-est, selon un bilan contesté.
Le Premier ministre péruvien Yehude Simon, en commission parlementaire débattant des affrontements de vendredi-samedi à Bagua (1000 km au nord de Lima), a annoncé lundi soir qu'"Alberto Pizango s'est réfugié aujourd'hui à la mission diplomatique" du Nicaragua à Lima.
Pizango est le numéro un de l'Association interethnique de la Jungle péruvienne (AIDESEP), principal collectif indigène, qui dit représenter 65 groupes ethniques, émiettés en 1.300 communautés, représentant 600.000 âmes --sur 28 millions de Péruviens.
Depuis deux mois, l'AIDESEP mène protestations et blocus ponctuels de routes, oléoducs ou fleuves dans le nord-est amazonien. Elle rejette des décrets-lois de 2007-08 du gouvernement (centre-droit) d'Alan Garcia, jugés trop complaisants envers l'exploitation hydrique, forestière et minière.
Pizango est passé à la clandestinité ce week-end, recherché par la justice après les violences de Bagua. La ministre de l'Intérieur a suggéré qu'il avait fui dans la Bolivie voisine du président socialiste -et indien aymara- Evo Morales.
L'ambassadeur du Nicaragua Tomas Borge a estimé sur la radio de Lima RPP qu'une décision serait prise mardi sur l'asile politique à Pizango. "Il semble avoir les caractéristiques d'un persécuté politique", a-t-il commenté.
Symptôme de crispation du gouvernement péruvien devant l'impact mondial des violences de Bagua, Yehude Simon s'en est pris lundi aux médias étrangers, accusés d'avoir déformé les faits, les chiffres, et indûment blâmé le gouvernement. Il a révisé le bilan officiel à 34 morts, dont 25 policiers et 9 Indiens.
Le ministre de la Défense Antero Flores Araoz avait dimanche confirmé à l'AFP un bilan de 23 policiers et 11 indigènes tués, alourdi depuis d'un décès policier.
Des sources indigènes ont fait état avec insistance depuis samedi d'un bilan bien plus lourd, notamment de victimes indiennes allant d'une douzaine à près de 30, mais de corps escamotés.
Les victimes ont été tuées en plusieurs vagues de heurts en 24 heures: lors de la levée en force d'un blocus routier tenu par des indiens, lors d'émeutes qui ont suivi, puis lors d'une opération militaire pour libérer des policiers pris en otage.
Le chef de la diplomatie Jose Antonio Garcia Belaunde, cité par l'agence officielle Andina, a enjoint lundi ambassades et consulats du Pérou de "donner une version exacte et complète de la situation" et des violences, selon lui "produit d'une manipulation politique et d'intérêts assez suspects".
Le Premier ministre Simon, dont plusieurs médias ont réclamé la démission, s'est dit résolu a "surmonter le problème", avec "la conscience claire", après ses efforts de dialogue selon lui frustrés par Pizango.
Mais mardi, en plusieurs points du Pérou amazonien --qui représente près de 60% du pays-- des blocus de groupes d'Indiens sur une route ici, là une installation pétrolière, un aérodrome privé ou un fleuve, faisaient encore craindre une contagion de violence.
Ainsi, un axe routier vital entre Yurimaguas et Tarapoto, en dense zone forestière à 900 km de Lima, restait coupé, comme depuis 35 jours, par près d'un millier d'indiens, avec forte présence policière à l'arrière-plan. Un déblocage -de quelques heures- aurait été négocié pour mardi.