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La Cour constitutionnelle allemande a commencé mardi à examiner une demande d'interdiction du parti néo-nazi NPD. Une procédure à l'issue hypothétique et que certains jugent inefficace pour lutter contre l'extrême droite.

Le parti néo-nazi NPD sera-t-il interdit en Allemagne ? La Cour constitutionnelle a commencé mardi 1er mars à examiner une demande d'interdiction de cette formation, une procédure que certains jugent inefficace pour lutter contre l'extrême droite.

Interdire un parti est "une épée à double tranchant qui doit être maniée avec prudence. Elle limite la liberté pour préserver la liberté", a déclaré en préambule le juge Andreas Vosskuhle, qui préside l'audience, à Karlsruhe, dans le sud-ouest du pays, où siège la plus haute juridiction du pays.

"Chaque procédure d'interdiction de parti représente un défi pour un État libre constitutionnel et démocratique", a-t-il ajouté.

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La Cour constitutionnelle a prévu au minimum trois journées d'audience pour examiner cette requête déposée en décembre 2013 par le Bundesrat, la chambre haute du Parlement, où siègent les représentants des États régionaux. Elle ne devrait pas rendre sa décision avant plusieurs mois.

Le Bundesrat estime que le NPD (Parti national-démocrate d'Allemagne) doit être interdit car il "veut déstabiliser et mettre à bas l'ordre libéral-démocratique" "de manière agressive et combattive".

L'idée de bannir le NPD, parti créé en 1964 notamment par d'anciens fonctionnaires du parti nazi, a ressurgi après la découverte en 2011 de l'organisation criminelle "Clandestinité national-socialiste" (NSU). Ses membres, proches du NPD, sont accusés d'avoir assassiné dix personnes, la plupart d'origine turque, entre 2000 et 2006.

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Agents provocateurs ?

Mais la chancelière Angela Merkel a, elle, renoncé à se joindre à la demande du Bundesrat, même si le gouvernement juge le NPD "anti-démocratique, xénophobe, antisémite et contraire à la Constitution", alors qu'une précédente tentative d'interdiction du parti avait échoué en 2003 et tourné au camouflet pour la coalition Verts/SPD au pouvoir.

La Cour avait alors estimé ne pas pouvoir trancher tant que des informateurs des services du renseignement intérieur (Verfassungsschutz) travaillaient au sein de la direction du NPD. Pour les juges, le risque était trop grand que ces "indics" aient pu agir comme agents provocateurs et amener les membres du parti à enfreindre la Constitution.

Le NPD compte bien utiliser cet argument pour faire capoter la procédure.

Pour autant, les partisans de l'interdiction se montraient mardi confiants : "Nous sommes bien préparés et avons bon espoir que la procédure s'achève dans le bon sens", a jugé l'un des plaignants, le ministre de l'Intérieur de l'État régional de Saxe-Anhalt, Holger Stahlknecht.

"Enfumage"

Financièrement en difficulté (le parti a été privé de subventions en février 2013), le NPD n'a réuni qu'1,3 % des suffrages aux législatives de 2013.

Pour certains opposants à l'interdiction, une telle procédure serait devenue caduque car la situation politique allemande a changé, avec l'émergence du mouvement islamophobe Pegida ou le succès grandissant du parti Alternative für Deutschland (AfD), qui surfe sur les craintes liées à l'afflux de plus d'un million de migrants en 2015.

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"C'est de l'enfumage", estime ainsi pour l'AFP Timo Reinfrank, coordinateur de la Fondation Amadeu-Antonio, une organisation antiraciste qui porte le nom d'un Angolais assassiné à coups de batte de baseball dans le Brandebourg en 1990.

"Celui qui croit que cette interdiction peut résoudre quoi que ce soit oublie un peu que c'est dans les esprits qu'il faut faire disparaître cette idéologie", a-t-il affirmé.

Pour lui, "la priorité urgente, c'est d'empêcher que des attaques d'extrême droite se poursuivent contre les foyers de réfugiés".

Avec AFP