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France : vers un procès aux assises pour Abdelkader Merah, le frère de Mohamed Merah

Le parquet de Paris a demandé, vendredi, un procès aux assises spéciales pour le frère de Mohamed Merah, Abdelkader, pour complicité d'assassinats lors des tueries perpétrées en mars 2012 à Toulouse et Montauban.

Près de quatre ans après les assassinats perpétrés par Mohamed Merah, le procès aux assises se rapproche pour le frère du "tueur au scooter", Abdelkader Merah. Le parquet de Paris a réclamé, vendredi 19 février, qu’un procès se tienne devant une cour d’assises spéciale, pour complicité dans les assassinats commis au nom d'Al-Qaïda par son cadet Mohamed en 2012 à Montauban et Toulouse.

Pour le parquet, Abdelkader Merah doit être jugé pour "complicité d'assassinats" et "association de malfaiteurs terroriste criminelle". S'il l'est, Abdelkader Merah sera accompagné dans le box par un délinquant toulousain, Fettah Malki. Ce dernier devrait répondre des chefs d’accusation d'association de malfaiteurs terroriste délictuelle et d'avoir fourni à Merah un Uzi, des munitions et un gilet pare-balles, "dont il avait pleinement connaissance qu'ils étaient destinés à se financer au moyen de vols et à terme effectuer le jihad armé". Le parquet requiert en revanche un non-lieu pour un troisième homme, Mohamed Mounir Meskine, "faute d'avoir pu établir avec certitude son implication".

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"C’est une décision satisfaisante, qu’on attendait depuis longtemps", a réagi Me Samia Maktouf, qui défend les intérêts de Latifa Ibn Ziaten, la mère du premier militaire assassiné à Toulouse par Mohamed Merah. "Ce réquisitoire devait tomber avant les quatre ans de détention d’Abdelkhader Merah, car une détention préventive ne peut durer plus longtemps", explique l’avocate à France 24.

"Pour nous, ce réquisitoire définitif est sans surprise parce qu’il ne fait aucun doute qu’Abdelkader Merah est le complice de son frère, qu’il est celui qui l’a aidé et endoctriné", a-t-elle poursuivi.

Stupeur et effroi

Onze jours avant d'être tué par la police, Mohamed Merah a abattu à Toulouse le 11 mars 2012 le militaire Imad Ibn-Ziaten, 30 ans, puis, le 15, deux parachutistes de Montauban, Abel Chennouf, 25 ans, et Mohamed Legouad, 23 ans. Le 19, il a assassiné dans une école juive de Toulouse, le professeur en religion Jonathan Sandler, 30 ans, ses fils, Arié et Gabriel, 5 et 3 ans, ainsi que Myriam Monsonego, 8 ans. Ces crimes, en pleine campagne présidentielle, avaient plongé dans la stupeur et l’effroi la France, où la menace terroriste n'était pas encore devenue le lot quotidien.

C'est avant la vague des départs en Syrie de jeunes Français que Merah a frappé. Pour justifier ses crimes, il invoquait l'Afghanistan et les Territoires palestiniens et non la lutte contre Bachar al-Assad. Al-Qaïda, dont il se réclamait, a depuis été supplanté dans l'imaginaire jihadiste par l'organisation État islamique (EI).

Salafiste radical assumé, Abdelkader Merah, frère de Mohamed Merah, a davantage attiré l'attention des services de renseignement que son cadet. A-t-il servi de mentor, a-t-il participé trois jours avant le premier assassinat à un vol de scooter en connaissant son usage à venir ? Ou ignorait-il les projets criminels de Mohamed Merah ?

Une cour d’assises spéciale pour éviter toute intimidation

Abdelkader Merah risque 20 ans de prison. Si les juges d’instruction suivent les réquisitions du parquet, il comparaîtra devant une cour d’assises spéciale, compétente pour statuer sur les crimes commis en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants en bande organisée.

Contrairement à une cour d’assises classique, composée de magistrats et d’un jury tiré au sort, la cour d’assises spéciale ne réunit que des magistrats professionnels, sept au total. Objectif : éviter toute intimidation des jurés dans des affaires exceptionnelles. Les parties civiles pourraient vouloir faire d'un procès celui du renseignement antiterroriste, qui savait que Merah s'était rendu dans les zones pakistano-afghanes. Des parties civiles qui contestent le portrait de "loup solitaire", alors dressé par les autorités.

"Je regrette que nombre de proches, amis et complices de Mohamed Merah, comme Sabri Essid, ou encore Jean-Michel et Fabien Clain, qui ont contribué à ces attentats mais ont pu quitter le territoire [plusieurs ont rejoint la Syrie, NDLR] ne soient pas sur le banc des accusés si le procès a lieu", a ainsi indiqué Me Maktouf à France 24. L'avocat d'Abdelkader Merah, Éric Dupond-Moretti, s'est de son côté refusé à tout commentaire.

"Il a envoyé son petit frère à sa place"

Durant quasiment quatre ans de détention, Abdelkader Merah a adopté devant les magistrats une attitude ambiguë, provocatrice, ne condamnant pas les tueries de son frère, tout en réfutant y avoir joué un rôle.

L’homme de 33 ans, a soutenu avoir eu des relations tendues avec son cadet. Mais l'enquête a montré que lui et Mohamed se sont vus dans les jours ayant précédé les tueries et même au soir du premier assassinat, à l'occasion d'un match de foot et d'un dîner.

Les enquêteurs ont mis la main sur des lettres de détention datant de 2009 de Mohamed Merah à Abdelkader : "À ma sortie de prison, je saurai précisément ce qu'il me restera à faire", écrit-il trois ans avant de passer à l'action.

Un mois après les tueries, au téléphone, l'aîné des Merah, Abdelghani, dit sa conviction à une proche: "Je l'ai dit aux flics, qu'(Abdelkader) a pas eu les couilles et qu'il a envoyé son petit frère à sa place."

Avec AFP et Reuters