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Les banques françaises ne veulent pas que La City puisse bénéficier d’un traitement de faveur, concédé par l’Union européenne pour aider David Cameron à s’opposer à la tentation du "Brexit" lors du prochain référendum.

Le Premier ministre britannique David Cameron a rendu une visite surprise à François Hollande, lundi 15 février au soir. Elle en dit long sur les tensions autour de l’éventualité d’une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne. Au cœur des discussions : certaines concessions que l’Union européenne est prête à accorder au Premier ministre britannique afin de contrer les arguments des partisans du "Brexit".

Un point en particulier fait déborder le vase français. Il ne concerne ni les exigences britanniques en matières d’immigration, ni celles en politique sociale. Le président socialiste craint que David Cameron n'obtienne un traitement de faveur pour La City, la place financière de Londres. "Il y a encore du travail, en particulier sur la gouvernance économique", a précisé à la presse une source dans l’entourage du chef de l’État français.

Quand c’est flou...

Cette “gouvernance économique” concerne une partie de la lettre adressée par le président du Conseil de l’Europe Donald Tusk, le 2 février, au Premier ministre britannique, qui récapitule les concessions accordées à Londres. Il s’agit du volet financier, le seul à être défini dans des termes très flous. Le reste des sujets abordés - immigration, souveraineté et compétitivité - fait l’objet de propositions précises de Donald Tusk.

“Les éléments relatifs à la régulation financière ont dû être abordés en coulisse”, explique Cathérine Mathieu, spécialiste de l’économie britannique à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Ce flou prouve à quel point le sujet est sensible et a nourri les craintes des milieux bancaires français. Frédéric Oudéa, le patron de la Société Générale et de la Fédération bancaire française (FBF), a d’ailleurs écrit une lettre au locataire de l’Élysée pour se plaindre des “ambigüités” de la lettre de Donald Tusk.

Les banques françaises ne veulent pas que leurs homologues britanniques puissent échapper à certaines règlementations contraignantes qui seraient imposées aux autres institutions financières européennes. Donald Tusk aurait, d’après Reuters, évoqué la possibilité pour “des pays non membres de la zone euro” de ne pas être liés par des règles qui iraient “à l’encontre de leurs intérêts propres”. Londres aurait alors le beurre - rester dans l’UE -, et l’argent du beurre, c’est-à-dire continuer à laisser sa City faire ce qu’elle veut.

“Question de fond qui touche à la nature de l’Europe”

Une telle concession serait une “distorsion de concurrence” inacceptable pour les banques françaises, souligne le quotidien Les Échos. Ce combat n’est pas seulement un affrontement entre banquiers d’un côté et de l’autre de la Manche. C’est aussi “une question de fond qui touche à la nature de l’Europe pour les uns et les autres”, souligne Cathérine Mathieu.

Pour Londres, l’UE est avant tout un espace “des marchés et d’échanges qui ne peut imposer de limite à la souveraineté des États”, rappelle l’économiste française. La position de David Cameron de défendre son droit à réglementer ou non la City “est tout à fait cohérente avec cette approche”, précise cette spécialiste. Et d’ajouter que le Premier ministre britannique ne peut “politiquement pas reculer sur ce point” car le Royaume-Uni a beaucoup misé sur le secteur financier pour doper sa croissance. Il serait donc inacceptable pour une partie de la population qu’il laisse entrer l’épouvantail de la réglementation européenne au cœur de la City.

François Hollande risque, de son côté, de camper aussi fermement sur ses positions. Paris conçoit l’Europe comme un espace qui doit tendre vers “davantage d’harmonisation”, souligne Catherine Mathieu. Pour la France, c’est la meilleure manière de se protéger contre les crises économiques ou politiques. Un cavalier seul du Royaume-Uni serait inacceptable dans cette optique.

La City pourrait donc devenir le principal point d’achoppement lors des prochaines négociations entre chefs d’État européens jeudi 18 et vendredi 19 février à l’occasion du sommet du Conseil européen, qui sera consacré à la question du “Brexit”. Reste à savoir quel camp l’Allemagne choisira. Car sans le soutien de Berlin, la France risque, d’après Catherine Mathieu, de se retrouver “un peu seule face au Royaume-Uni” et d’autres pays du nord de l’Europe - comme le Danemark - qui sont plus proches d’une vision anglo-saxonne de la régulation financière.