
L'ONU a dénoncé vendredi un nouveau scandale d'abus sexuels perpétrés par des soldats étrangers en Centrafrique. C'est la première fois que l'instance révèle de sa propre initiative des abus sexuels commis dans ses missions de maintien de la paix.
De nouvelles accusations d’abus sexuels en Centrafrique éclaboussent à nouveau des forces de l’ordre. Des soldats ou policiers de cinq pays (Bangladesh, Maroc, RDC, Niger, Sénégal) sont accusés d'avoir commis des abus sexuels sur des mineurs dans le cadre de la Mission des Nations unies en République centrafricaine (Minusca), a révélé, vendredi 29 janvier, un haut responsable de l'ONU.
C'est la première fois que l'ONU nomme publiquement et de sa propre initiative les pays dont sont originaires des responsables présumés d'abus sexuels ou d'exploitation sexuelle parmi ses missions de maintien de la paix. Anthony Banbury, secrétaire général adjoint chargé de la logistique des missions, a fait valoir une "volonté de transparence". Il a en outre expliqué que ce serait bientôt la règle pour toutes les accusations de ce genre.
L'ONU doit, par ailleurs, publier le mois prochain un rapport dans lequel les pays seront nommés. Un site internet permettra, autant que possible, de suivre l'évolution des enquêtes et les sanctions éventuelles contre les casques bleus reconnus coupables.
Il reviendra aux pays contributeurs de troupes de mener ces enquêtes et de gérer leurs éventuelles suites judiciaires. "Nous avons besoin du soutien et de l'engagement de nos partenaires" qui fournissent du personnel aux missions, a-t-il souligné.
Anthony Banbury a également détaillé devant la presse cinq affaires parmi les plus récentes impliquant dix membres de la Minusca : deux soldats du Bangladesh, un soldat de RDC, un soldat marocain, quatre soldats nigériens et deux policiers sénégalais. Ils sont accusés d'avoir abusé en tout six victimes, toutes mineures, parfois en échange d'argent, entre janvier 2014 et décembre 2015.
En tout, l'ONU a recensé l'an dernier 22 cas d'accusations d'abus sexuels portées contre ses Casques bleus en République centrafricaine (RCA), sur un total de 69 pour l'ensemble de ses 16 missions dans le monde.
Un autre scandale d'abus sexuel
Cette conférence de presse a coïncidé avec l'annonce faite à Genève par l'ONU d'un autre scandale d'abus sexuels présumés sur des enfants et des adolescents commis par des soldats étrangers, notamment géorgiens, en mission en Centrafrique, mais ne relevant pas de l'institution.
Une équipe de l'ONU en Centrafrique a interrogé plusieurs enfants et adolescentes ayant déclaré avoir été abusés sexuellement ou exploités par des soldats participant à une mission européenne (Eufor-RCA) ou à la mission française Sangaris.
Selon quatre des jeunes filles, âgées de 14 à 16 ans au moment des faits présumés, leurs agresseurs appartenaient à l'Eufor-RCA. Trois d'entre elles ont mis en cause des soldats géorgiens. Des soupçons pèsent également sur "un autre pays" de l'Eufor-RCA, mais l'ONU n'a pas donné de précisions.
Les faits se seraient produits en 2014, mais n'ont été découverts que ces dernières semaines. "Les soldats n'ont pas été identifiés" à ce stade, a précisé à Bruxelles une source européenne, assurant que les accusations concernaient au total "moins de dix soldats" mais décrivant un scandale "absolument sans précédent".
L'UE, qui prend ces accusations "très au sérieux", a promis de fournir toutes les informations "potentiellement pertinentes". Selon l'ONU, une sœur et un frère, âgés de 7 et 9 ans, ont par ailleurs affirmé avoir été abusés en 2014 par des militaires de la mission française Sangaris en RCA.
La fillette aurait pratiqué des actes sexuels par voie orale sur des soldats français en échange "d'une bouteille d'eau et d'un sachet de biscuits". Selon leur récit, d'autres enfants ont été "abusés de la même manière lors d'incidents répétés impliquant plusieurs soldats français".
Le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a saisi la justice "dès qu'il a pris connaissance des documents transmis le 19 janvier par le Haut Commissaire aux droits de l'Homme", a-t-on précisé dans son entourage.
Les abus auraient eu lieu dans les environs ou à l'intérieur du camp de déplacés internes de M'Poko, proche de l'aéroport de Bangui, protégé par l'Eufor et Sangaris en 2014.
Avec AFP