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Libéré des sanctions, Téhéran a augmenté sa production de pétrole, entraînant une chute des prix historique. Le retour de l’Iran sur le marché de l’or noir est-il une menace pour les pays producteurs ? Analyse.

Avec la levée des sanctions à son encontre, l’Iran a annoncé une augmentation significative de sa production de pétrole. Une décision qui a provoqué une chute importante des prix du brut et suscite l’inquiétude des pays producteurs. Quelles conséquences pour ces derniers ? Pierre Terzian, directeur de Pétrostratégies et Thomas Porcher, économiste spécialiste des questions énergétiques à la Paris school of business, analysent la situation.

France 24 : Quelles seront les conséquences du retour de l’Iran sur le marché du pétrole pour les grands pays producteurs ?
Thomas Porcher :
Tous les pays pétroliers vont subir de plein fouet la baisse des prix sur un marché déjà excédentaire et en surproduction. Mais le degré de difficulté ne sera pas le même pour tous. Ainsi, les pays du Golfe pourront piocher dans les fonds souverains dont ils disposent. Contrairement à des pays comme la Russie, dont le budget dépend à 80 % des exportations d’hydrocarbures, et pour qui cela risque d’être très difficile. Dans ces pays, c’est donc l’ensemble de l’économie qui sera touché par la baisse des prix. Ils vont devoir faire des coupes dans les dépenses publiques et s’imposer une austérité très forte. Ils pourront également jouer avec l’arme monétaire pour contre-balancer les pertes.

Pierre Terzian : Les pays producteurs de pétrole ont été pour ainsi dire pris de court. En effet, beaucoup pensaient que l’accord américano-iranien serait retardé et ne s’attendaient pas à sa signature avant le printemps 2016.

France 24 : L’Iran n’effectue pas une entrée sur le marché, mais un retour. Pourquoi sa présence pose-t-elle problème aujourd’hui et non avant les sanctions ?
Thomas Porcher :
Le marché pétrolier était différent. Il y avait notamment une demande très forte des pays émergents, comme la Chine. Or, aujourd’hui, ces pays connaissent une croissance beaucoup moins forte, et donc une baisse de leur demande en pétrole. Le marché est aujourd’hui en surcapacité.

France 24 : La baisse historique du prix du pétrole est-elle inquiétante ?
Thomas Porcher :
Elle est très inquiétante sur le long terme et on risque de voir de très fortes tensions entre les membres de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) dans les jours qui viennent. Les prix sont tellement bas que les conséquences évoquées plus haut peuvent provoquer des tensions sociales au sein des pays producteurs. Sans compter les licenciements qui ont déjà commencé dans certaines industries, comme BP.

Pierre Terzian : Bien sûr qu’il y aura des conséquences néfastes. Des pays comme le Japon ont déjà commencé à protester. Cette chute des prix risque de ralentir leurs efforts de transition énergétique. La baisse des prix va également pousser les pays pétroliers à réduire leurs dépenses et donc leurs importations, or le Japon comme d’autres comptent sur les produits qu’ils exportent.

France 24 : À qui l’Iran sera le plus susceptible de vendre son pétrole ?
Pierre Terzian :
Pour des raisons techniques, il est probable qu’il vende à des pays habitués à raffiner du pétrole iranien, la Chine et le Japon, l’Afrique du sud, la Grèce ou l’Italie.