
L'Iran veut profiter de la fin d’une partie des sanctions internationales pour produire et exporter au plus vite 500 000 barils de brut par jour. Un retour sur la scène pétrolière qui accentue la baisse des prix et profite à l’Arabie saoudite.
Série noire pour l’or noir ! Le prix du pétrole restait sous la barre des 30 dollars, mardi 19 janvier, après être brièvement descendu, la veille, sous celle de 28 dollars, pour la première en 12 ans. Une bonne nouvelle pour l’Arabie saoudite, qui peut remercier l’Iran. Téhéran a en effet annoncé, lundi, son retour sur le marché pétrolier.
"L’Iran a ordonné que sa production atteigne 500 000 barils par jour", a affirmé Amir Hossein Zamaninia, le vice-ministre du Pétrole qui s’est réjoui de la fin d’une grande partie des sanctions internationales, annoncée samedi 16 janvier. Dans un contexte d’offre plus qu’abondante de pétrole qui tire déjà les prix vers le bas, c’est la goutte d’or noir qui peut faire déborder le vase, préviennent les investisseurs.
Tout bénéf’ pour l’Arabie saoudite ?
L’impact à la baisse sur les prix du grand retour iranien dans le concert des nations exportatrices de pétrole "est une bonne nouvelle pour l’Arabie saoudite", explique Thomas Porcher, économiste spécialiste des questions énergétiques à la Paris school of business. Riyad est engagé dans un bras de fer depuis plus d’un an avec les États-Unis pour sauvegarder ses parts de marchés face à la menace du pétrole de schiste nord-américain. L’arme saoudienne : les prix de l’or noir. Le pétrole saoudien est en effet moins cher à produire que son cousin américain et les gisements aux États-Unis ne sont pas rentables si le baril reste aussi peu cher.
L’Iran, adversaire régionale de l’Arabie saoudite, est donc devenu un allié objectif de Riyad dans sa guerre du pétrole. Une situation d’autant plus ironique que “l’Iran ne peut pas rater l’occasion d’exporter à nouveau son pétrole, mais en ce faisant Téhéran maintient les prix bas, ce qui n’arrange pas ses affaires", résume Thomas Porcher.
Riyad, grand gagnant de cette affaire ? À court terme probablement. Mais avec le temps, la montée en puissance pétrolière de Téhéran va se transformer en nouvelle menace pour l’Arabie saoudite. L’Iran était le quatrième producteur mondial de pétrole avec une production de quatre millions de barils par jour avant la mise en place des sanctions. Pour Céline Antonin, "tout le combat de l’Arabie saoudite consiste à protéger ses parts de marché et l’Iran va, avec son potentiel, inévitablement se transformer en concurrent".
Des infrastructures pétrolières à la traîne ?
Mais Téhéran ne va pas déverser tout son pétrole sur le marché du jour au lendemain. Le pays devrait pouvoir exporter "entre 800 000 barils de brut par jour et un million de barils par jour à moyen terme", estime Céline Antonin, spécialiste de l’énergie pour l’Observatoire français des conjonctures économiques. Elle estime que le pays aura atteint sa production de croisière début 2017, tandis que l’Agence internationale de l'énergie atomique ne voit pas l’Iran exporter une telle quantité d’or noir avant la fin de l’année prochaine.
À cet égard, la grande inconnue concerne l’état des installations pétrolières iraniennes. “On ne sait pas quel a été le niveau d’investissements du pays pendant la période des sanctions et si la maintenance des sites nécessite une mise à niveau”, explique l’économiste française. Si le régime n’a pas mis les moyens nécessaires en œuvre pour éviter que ces infrastructures ne dépérissent, son retour dans le jeu pétrolier pourrait prendre du retard. À l’inverse, il pourrait intervenir plus vite que prévu si les investissements nécessaires ont été faits. Dans ce cas, “le prix du brut qui est censé se stabiliser cette année pourrait encore continuer à baisser”, note Céline Antonin.