logo

L'anesthésiste Péchier condamné à la perpétuité pour 30 empoisonnements
Trente patients empoisonnés, dont 12 sont morts : au terme d'un exceptionnel procès de trois mois et demi, l'anesthésiste Frédéric Péchier a été condamné jeudi à Besançon à la prison à perpétuité pour l'ensemble des faits qui lui étaient reprochés, un verdict contre lequel il va faire appel.
L'ancien anesthésiste français Frédéric Péchier (à droite) aux côtés de son avocat Randall Schwerdorffer au tribunal de Besançon, dans le nord-est de la France, le 8 septembre 2025. © Sébastien Bozon, AFP

L'anesthésiste Frédéric Péchier a été condamné, jeudi 18 décembre, à la réclusion à la perpétuité avec incarcération immédiate par la cour d'assise du Doubs qui l'a reconnu coupable de 30 empoisonnements de patients lors d'opérations, dont 12 sont morts. Son avocat a annoncé qu'il allait faire appel et "demander sa remise en liberté".

La peine est assortie d'une période de sûreté de 22 ans. "Vous allez être incarcéré immédiatement", a indiqué la présidente de la cour, Delphine Thibierge, alors que le praticien n'avait jamais été détenu depuis le début de l'enquête en 2017.

La cour a ainsi suivi l'accusation, qui avait requis vendredi la réclusion à perpétuité contre le médecin de 53 ans, qu'elle a présenté comme "l'un des plus grands criminels de l'histoire", coupable selon elle d'avoir "utilisé la médecine pour tuer". Il lui est interdit "d'exercer la profession de médecin à titre définitif". 

À l'inverse, son avocat Randall Schwerdorffer s'était dit lundi convaincu de son innocence et avait demandé à la cour de l'acquitter "purement et simplement", faute de preuves irréfutables.

L'ensemble de la famille de l'anesthésiste, qui l'a soutenu sans faille, était venue pour le soutenir dans une salle comble jeudi matin. Ses filles, en larmes après l'annonce des premiers verdicts de culpabilité, sont sorties de la salle. Leur père est lui resté impassible, le regard fixe, le visage fermé à l'annonce de la sentence.

Pour chaque cas, les six jurés et les trois magistrats professionnels ont dû dire si Frédéric Péchier était coupable ou innocent.

Les faits ont été commis entre 2008 et 2017 dans deux cliniques privées de Besançon, sur des patients âgés de 4 à 89 ans.

"Je ne suis pas un empoisonneur"

Ce verdict survient après 15 semaines d'audience denses, parfois techniques et souvent poignantes. La cour délibérait depuis lundi après-midi dans un "lieu tenu secret". Dans l'attente de la décision, l'accusé, qui a comparu libre depuis le 8 septembre, avait dû rester à disposition de la justice dans son logement de Besançon.

Lorsque la parole lui a été donnée une dernière fois lundi, au dernier jour de ce long procès, il a à nouveau clamé son innocence, une position dont il n'a jamais varié. "Je ne suis pas un empoisonneur", a-t-il affirmé.

Selon l'accusation, le praticien a pollué des poches de perfusion avec du potassium, des anesthésiques locaux, de l'adrénaline ou encore de l'héparine, pour provoquer un arrêt cardiaque ou des hémorragies chez des patients pris en charge par des confrères. Son objectif : "Atteindre psychologiquement" des soignants avec lesquels il était en conflit et "nourrir sa soif de puissance", selon le parquet.

Après avoir réfuté cette thèse pendant l'instruction, Frédéric Péchier a finalement admis, depuis l'ouverture du procès, qu'un empoisonneur avait bien sévi dans l'une des deux cliniques privées où il a travaillé. Mais il a constamment répété qu'il n'était pas cet empoisonneur.

Le procès, qui a duré trois mois et demi, a alterné témoignages déchirants de victimes et échanges tendus avec un accusé décrit tantôt comme un tueur en série dénué d'empathie, tantôt comme un "homme détruit".

Des larmes en évoquant sa tentative de suicide

Cassant et inflexible lors des interrogatoires, l'accusé a versé des larmes le 5 décembre, en évoquant sa tentative de suicide en 2021, mais il s'est montré impassible pendant la lourde charge menée à son encontre la semaine dernière par les deux représentantes de l'accusation.

Si le verdict est un soulagement pour les victimes, des questions restent ouvertes.

On s'est senti "ému et soulagé" que "papa soit reconnu victime", a déclaré Olivier Py. Mais le procès en appel, "ça va être dur (...) on repart à zéro".

Frédéric Berna, avocat de nombreuses parties civiles, a regretté que Frédéric Péchier n'ait pas avoué. "On a pu avoir éventuellement l'espoir que l'humanité lui revienne et qu'il soit en mesure de livrer quelques explications", a déclaré l'avocat devant la presse. "Je crois que sa seule porte de sortie digne aujourd'hui (...) ce serait qu'il se résigne à nous dire : 'voilà pourquoi je l'ai fait, voilà ce que j'ai fait, voilà ce qui s'est passé dans ma tête'."

Pour Archibald Celeyron, l'avocat du père de Tedy, la plus jeune victime âgée de 4 ans à l'époque, a dit lui aussi espérer obtenir "des explications" lors du procès en appel, afin de de savoir "pourquoi il a empoisonné ces personnes".

Avec AFP