
Dans une tribune publiée mercredi, plusieurs responsables de médias français s'insurgent contre le peu d'empressement de Paris à réagir contre la décision de Pékin d'expulser Ursula Gauthier, correspondante de L'Obs en Chine.
"Diplomatie de paillasson." C’est en ces termes que plusieurs responsables de grands médias français* qualifient, mercredi 30 décembre, l’attitude de Paris après l'expulsion ordonnée par Pékin de la journaliste française Ursula Gauthier.
"Nous nous élevons contre le traitement injurieux réservé par la République populaire de Chine à la correspondante à Pékin du magazine L'Obs, Ursula Gauthier", déclare la quarantaine de dirigeants de journaux dans une tribune publiée dans Le Monde et L’Obs. Nous déplorons par ailleurs l'apparente volonté des autorités françaises de ne pas faire de vagues autour de cette expulsion injustifiable."
>> À voir sur France 24 : "Pékin m’accuse de soutenir le terrorisme", affirme Ursula Gauthier
Pékin reproche à Ursula Gauthier un article sur la situation au Xinjiang, berceau de la minorité musulmane turcophone des Ouïghours, dont beaucoup dénoncent des discriminations ethniques, culturelles et religieuses grandissantes à leur encontre. Faisant un parallèle entre les attaques meurtrières du 13 novembre à Paris et les réactions des autorités chinoises, Ursula Gauthier décrivait dans son article les mesures répressives et la politique "antiterroriste" de Pékin au Xinjiang, région en proie depuis deux ans à une recrudescence de violences.
"Les autorités chinoises m'accusent de soutenir le terrorisme", avait indiqué à France 24 la journaliste après avoir été informée qu'elle serait expulsée le 31 décembre, date de fin de sa carte de presse chinoise, si elle ne s'excusait pas pour son article.
Service minimum
"Tout est fait pour dissuader les médias étrangers de se rendre sur place pour rendre compte de la situation. Il est pratiquement impossible pour un journaliste de travailler au Xinjiang sans être pris en filature par des agents en civil. D'audacieux reporters sont régulièrement interpellés ou expulsés de la région", dénonce le texte.
En outre, la tribune reproche au gouvernement français d’accorder une "priorité absolue […] à la diplomatie économique". Pour les signataires du texte, "le silence" de Paris sur "les condamnations de prisonniers politiques et sur les violations de la liberté de parole [...] garantissait d'une certaine manière que Paris laisserait expulser Mme Gauthier sans trop gesticuler".
Après l’annonce de l’expulsion d’Ursula Gauthier, le Quai d'Orsay avait dit "regretter" que le visa de la journaliste ne soit pas renouvelé. Un service minimum que les auteurs de la tribune dénoncent : "le ministère des Affaires étrangères français s'est contenté de deux lignes de réaction". Or, lorsque la Chine menaça de ne pas renouveler les visas de plusieurs journalistes du New York Times en 2013, le vice-président américain, Joe Biden, était intervenu, rappelle la tribune, et son action avait porté. Pour les signataires, "le manque de fermeté des autorités françaises est irresponsable" et "les correspondants français à Pékin et leurs collègues étrangers se trouvent, désormais davantage qu'auparavant, à la merci" des autorités chinoises.
Avec AFP
* Parmi les signataires, figurent Stéphane Albouy, directeur des rédactions du Parisien/Aujourd'hui en France, Christophe Ayad, chef du service international du Monde, Matthieu Croissandeau, directeur de L'Obs, Arnaud de La Grange, chef du service international du Figaro, Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières, Marc Epstein, rédacteur en chef du service monde de L'Express, Jérôme Fenoglio, directeur du Monde, Johan Hufnagel, directeur délégué des rédactions de "Libération", Laurent Joffrin, directeur de Libération et Michèle Léridon, directrice de l'information de l'AFP.