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Référendum au Rwanda : un scrutin sans suspense

Les Rwandais se sont rendus aux urnes, vendredi, pour un référendum devant ratifier une révision constitutionnelle, autorisant le président Paul Kagame à potentiellement diriger le pays jusqu'en 2034.

"Êtes-vous d'accord avec la Constitution de la République du Rwanda telle que révisée pendant l'année 2015 ?". Les électeurs rwandais ont répondu à cette question, vendredi 18 décembre, lors d'un référendum controversé devant ratifier une révision constitutionnelle, dont la principale disposition annule la limitation des mandats présidentiels. Cette réforme taillée sur mesure pour l'actuel chef de l'État permettrait théoriquement au président Paul Kagame, 58 ans, de se maintenir au pouvoir au Rwanda jusqu'en 2034.

Quelque 6,4 millions de Rwandais étaient appelés à voter entre 7 h (5 h GMT) et 15 h (13 h GMT). Un intervalle serré qui a conduit les électeurs à former de longues files d'attente devant les bureaux, avant leur ouverture.

"Oui" à Kagamé

Sans surprise, le "oui" devrait l'emporter largement, la révision ayant été présentée comme une initiative populaire spontanée par les autorités qui assurent que 3,7 millions de Rwandais ont demandé par pétitions un maintien au pouvoir de Paul Kagame. Ce dernier aurait dû quitter le pouvoir après l'expiration en 2017 de son mandat, le dernier que lui permet l'actuelle Constitution.

Concrètement, le nouvel article 101 continue de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, tout en abaissant sa durée de sept à cinq ans. Mais parallèlement, un nouvel article 172 instaure au préalable un nouveau septennat transitoire, entre 2017 et 2024, précisant que le président sortant y sera éligible, de même qu'aux deux quinquennats suivants.

Si l'essence de ces deux nouveaux articles-clés a été publiée par la presse pro-gouvernementale, le texte de la Constitution révisée n'a pas été rendu public et ni les électeurs ni les médias n'en ont pris connaissance. Cette révision est soutenue par la quasi-totalité des partis politiques autorisés au Rwanda, à l'exception du seul petit Parti démocratique vert, qui a toutefois renoncé à faire campagne pour le "Non", estimant trop court le délai de 10 jours entre l'annonce du référendum et le vote. Le Sénat rwandais l’a adopté à l'unanimité le 17 novembre, après la Chambre des députés fin octobre.

Très critiqué pour cette initiative, le président rwandais a balayé les accusations de "manœuvres" et les appels de plus en plus fermes de ses partenaires occidentaux - États-Unis en tête - à quitter le pouvoir à la fin de son mandat, répétant que sa décision de se représenter ou non en 2017 dépendait du résultat du référendum.

Un pouvoir autoritaire

Élu en 2003 et réélu en 2010, avec plus de 90 % des voix à chaque fois, Paul Kagame est au pouvoir depuis que sa rébellion du Front patriotique rwandais a mis fin au génocide de 1994 qui, selon l'ONU, a fait plus de 800 000 morts, essentiellement parmi les membres de la minorité tutsie.

Vice-président et ministre de la Défense après le génocide, il tenait déjà les rênes du pays avant d'être élu président en 2003 avec 95 % des voix, puis réélu tout aussi triomphalement (93 %) en 2010. Il est crédité de nombreuses avancées du Rwanda depuis le génocide, mais dirige son pays d'une main de fer, accusé d'étouffer toute voix discordante.

En effet, le pouvoir rwandais est régulièrement critiqué par les organisations de défense des droits de l’Homme pour des manquements à la liberté d’expression et le musèlement de sa presse. Le visage masqué, un électeur a osé répondre à l’envoyé spécial de France 24 : "Je vais voter contre", a-t-il affirmé. "Je ne peux pas me prononcer contre cette réforme alors qu’on pourrait reconnaître mon visage. Ça pourrait causer des problèmes pour ma sécurité."

Dans un éditorial publié jeudi, le quotidien pro-gouvernemental "New Times" assure que le référendum "devrait se conclure en faveur du changement de Constitution" en affirmant que les électeurs rwandais "vont tracer la route pour leur pays : vont-ils garder une équipe et une formule gagnantes ou vont-ils s'aventurer dans des eaux inexplorées ?".

Avec AFP