
Les bureaux de vote ont ouvert leurs portes samedi en Arabie saoudite pour des élections municipales avec un scrutin ouvert pour la première fois aux femmes dans ce pays ultra-conservateur où elles demeurent soumises à de nombreuses restrictions.
La journée est historique. L'Arabie saoudite organise pour la première fois, samedi 12 décembre, des élections ouvertes aux femmes, candidates et électrices. Un timide pas en avant vers l'égalité des sexes dans ce royaume ultra-conservateur. "Il ne faut pas s'attendre à une grande mobilisation électorale, car la population saoudienne n'a pas la culture des élections", prévient d'emblée Clarence Rodriguez, correspondante France 24 à Riyad.
À partir de 05h00 GMT, à l'ouverture du scrutin pour les élections municipales, électeurs et électrices pourront toutefois choisir entre 6 000 candidats hommes et 900 femmes autorisées pour la première fois à se présenter. Tous briguent un siège dans les 284 conseils municipaux, seules assemblées à être composées de représentants élus mais qui ont des pouvoirs limités.
La mixité dans les lieux publics étant interdite dans le royaume, les candidates en campagne n'ont pu rencontrer que leurs électrices, qui sont 119 000 à s'être inscrites pour la première fois sur une liste électorale, sur un total de près de 1,5 million d'électeurs selon des chiffres officiels.
L'Arabie saoudite était le dernier pays au monde à dénier à ses citoyennes le droit de vote. Ce royaume régi par une vision rigoriste de l'islam est l'un des plus restrictifs au monde pour les femmes, qui n'ont pas le droit de conduire, et doivent obtenir l'accord d'un homme pour travailler ou voyager.
Dans un contexte où moins d'un électeur sur dix est une femme, peu de Saoudiennes s'attendent ainsi à être élues. Certaines pourraient quand même entrer dans les conseils municipaux en y étant nommées par le pouvoir, un tiers des sièges étant pourvus par désignation.
"Fière de l’avoir fait"
Pour certaines, le simple fait d'avoir fait campagne est déjà une victoire en soi. "Pour vous dire la vérité, je ne me présente pas pour gagner", confie Badreldin al-Sawari, une pédiatre du centre de Ryad. "Nous avons déjà gagné en nous présentant", ajoute cette sexagénaire qui est entrée en campagne par patriotisme, mais aussi pour prouver que l'islam donne aux femmes des droits.
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Aljazi al-Hossaini, une consultante de 57 ans, a elle mené campagne principalement sur Internet, et son programme, publié sur son site, a pu être consulté par les deux sexes. "J'ai fait de mon mieux, tout par moi-même. [...] Je suis fière de l'avoir fait", assure cette candidate pour un siège à Ryad.
D’autres femmes ont eu moins de chance. Certaines d’entre elles affirment que l'enregistrement des électrices avait été compliqué par des obstacles bureaucratiques, par un manque d'informations et par le fait que les femmes ne peuvent pas conduire pour aller s'inscrire.
Mais d'autres ont vécu des choses bien pires. Loujain Hathloul, une militante emprisonnée deux mois après avoir tenté, en décembre 2014, d'entrer dans le royaume au volant de sa voiture depuis les Émirats arabes unis a vu sa candidature rejetée. Une disqualification annulée par un comité, mais seulement deux jours avant la fin de la campagne, a annoncé la militante sur Twitter, lâchant : "Ce n'est pas juste".
Une société patriarcale régie par des loi claniques
Nassima al-Sadah, militante des droits de l'Homme dans la ville de Qatif (à l'est du pays) a indiqué à l'AFP avoir elle aussi contesté en justice le rejet de sa candidature.
Une électrice dans le nord-est du royaume, qui a préféré garder l'anonymat, a raconté que la candidate pour laquelle elle voulait voter avait dû se retirer face à l'opposition de dignitaires religieux locaux. Selon de nombreux électeurs, les liens tribaux régissant la société patriarcale saoudienne demeurent le facteur clé du scrutin.
L'organisation de défense des droits de l'Homme Human Rights Watch a salué ces élections comme un pas de plus vers une plus grande participation des femmes dans la vie politique tout en soulignant que "l'Arabie saoudite continue de discriminer les femmes à travers une myriade de lois, de politiques et de pratiques".
La situation des droits de l'Homme dans le royaume saoudien, dirigé par la famille royale des Al-Saoud, est surveillée de près par de nombreux pays occidentaux et ONG.
Le timide processus d'ouverture a été engagé sous le règne du roi Abdallah (2005-2015), prédécesseur de Salman, qui a accordé en 2011 aux Saoudiennes le droit de vote et d'éligibilité.
Avec AFP