De Sao Paulo à Caracas, la droite latino-américaine, éloignée du pouvoir depuis plus d’une décennie, contemple avec convoitise la victoire de Mauricio Macri en Argentine. Ce dernier a été élu président pour un mandat de quatre ans.
Ingénieur, fils de capitaine d’industrie à la tête d’une équipe de quadras en jeans, le nouveau président de l'Argentine, Mauricio Macri, incarne la droite libérale sud-américaine décontractée et "moderne", à savoir, débarrassée de sa consanguinité avec les dictatures militaires des années 70.
Élu le 22 novembre, la présentation de son gouvernement, trois jours après sa victoire face au candidat de centre gauche Daniel Scioli, soutenu par la présidente sortante Cristina Kirchner, a provoqué des soupirs de contentement dans les milieux économiques. Ailleurs, il donne le sentiment d’une contre-révolution culturelle, presque d’une restauration dynastique.
En effet, plusieurs ministres portent des patronymes de grandes familles patriciennes qui ont traversé l’histoire argentine: deux Bullrich, Esteban et Patricia, respectivement nommés ministres de l’Éducation et de la Sécurité, un Prat-Gay, gestionnaire d’une des plus grandes fortunes argentines, au ministère des Finances.
Dans un mélange des genres, on trouve également un Guillermo Dietrich, héritier d’une grande entreprise de concessions automobiles qui devient... ministre des Transports (le précédent gouvernement essayait lui de relancer les trains...), ou un Juan José Aranguren, ex-PDG de Shell Argentine qui devient... ministre de l’énergie !
Une droite dynastique et sans complexes
Libéraux et bien nés, la plupart de ces nouveaux ministres sont jeunes, issus de la grande bourgeoisie de Buenos Aires et ont été repérés par des think tank dont l’objectif est d’attirer des managers formés dans le privé pour administrer le service public. Quasiment tous ont fait leur classe dans l’équipe municipale de Mauricio Macri, maire de Buenos Aires de 2007 à 2015.
Dans la presse latino-américaine, il ressort que l’Argentine va (enfin) bénéficier d’un gouvernement de véritables "professionnels" pour remettre en ordre la maison. Finis les militants endurcis et étatistes qui tentaient d’administrer l’économie.
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Au programme, dévaluation, libéralisation du marché des changes, baisse des taxes sur les exportations agricoles et sur l’importation des produits de consommation.
Bref, l’Argentine revient dans le droit chemin. Son nouveau président se rendra à Davos cet hiver et selon le site d’information libérale Atlantico "43 millions de gens pratiquement coupés du monde depuis 14 ans" vont retrouver un semblant de normalité !
La droite argentine face au péronisme : le match continue
L’Argentine entre effectivement dans une nouvelle ère. Mais ceux qui prédisent que cette victoire inédite de la droite libérale et conservatrice en temps de démocratie est un changement d’époque pour toute l’Amérique latine vont un peu vite en besogne.
Tout d’abord parce que Mauricio Macri ne dispose pas d’une majorité parlementaire et que sa victoire est étriquée. Il devra ménager les péronistes qui, fort de leurs organisations militantes, de leur implantation syndicale et de leurs gouverneurs de provinces, entendent bien défendre chèrement leurs "acquis" de 12 ans de kirchnérisme.
En Argentine, comme ailleurs en Amérique latine, les gouvernements de gauche élus dans les années 2000 ont montré leur capacité à gouverner et à améliorer le quotidien des classes populaires. Au Chili voisin, le retour de la droite au pouvoir en 2010 en la personne de Sebastian Piñera, un riche entrepreneur au profil très similaire à celui de Mauricio Macri, n’a duré que 4 ans.
Réaligner la diplomatie vers le "monde capitaliste"
Après le temps des promesses électorales vient celui de l’exercice du pouvoir. Pour Mauricio Macri, changer radicalement de cap économique sera périlleux. Vu le degré de polarisation de la société argentine et le pragmatisme très "managérial" de Mauricio Macri, on l’imagine avancer vers ses objectifs, certes avec détermination, mais aussi avec prudence.
En revanche, sur le terrain de la diplomatie, les changements annoncés pourraient être plus immédiats. Dès le 21 décembre, lors du sommet du Mercosur, il devrait invoquer la "clause démocratique" de l’organisation régionale (Argentine, Brésil, Uruguay, Paraguay, Venezuela) pour suspendre les relations avec le Venezuela, en soutien aux dirigeants de l’opposition embastillés par Nicolas Maduro.
Avec à sa tête Susana Malcorra, actuelle chef de cabinet de Ban Ki-moon, la diplomatie argentine devrait prendre le chemin exactement opposé à celui emprunté par les Kirchner. Les chaleureuses accolades avec les dirigeants des pays Bolivariens (Cuba, Venezuela, Bolivie, Équateur) devraient se faire plus rares. Tout comme le tapis rouge déroulé pour les dirigeants iraniens, chinois ou russes en visite à Buenos Aires.
De plus se rapprocher de l’Alliance du Pacifique (Chili, Pérou, Colombie, Mexique) est un objectif du nouveau président. Forte de très bons résultats économiques, cette organisation régionale privilégie les traités de libre-échange avec les États-Unis, la Chine ou encore l’Union européenne.
Cette nouvelle diplomatie peut asséner un coup fatal à un Mercosur en panne depuis plusieurs années. Le Brésil, l’Argentine et le Venezuela sont en pleine récession et traversés par des crises politiques aiguës. L’Uruguay, dirigé par le social-démocrate Tabaré Vasquez, songe même à faire défection...