La justice sud-africaine a levé un moratoire sur le commerce de la corne de rhinocéros sur son territoire. Cette décision est censée lutter contre le braconnage et le trafic illégal qui menacent la survie de l'espèce.
"Le moratoire sur la vente de corne de rhinocéros sur le marché sud-africain est suspendu par le présent jugement". Jeudi 26 novembre, le juge Francis Legodi à la Haute Cour de Pretoria a par ces mots levé une interdication établie en 2009.
Toute personne disposant d'un permis délivré par le gouvernement pourra désormais vendre de la corne de rhinocéros sur le sol sud-africain, qui abrite 80 % de la population mondiale de ce mammifère en danger.
Plus de 1 200 rhinocéros tués en 2014
L'efficacité de l'interdiction est un sujet très débattu en Afrique du Sud. Les éléveurs de rhinocéros, qui ont introduit l'action en justice contre le moratoire en septembre, estiment que la loi n'avait pas fait reculer le braconnage, principal danger pour la survie de ces animaux.
En 2014, le pays a enregistré le pire massacre de son histoire avec 1 215 rhinos tués. Ce trafic alimente un marché clandestin de la médecine traditionnelle asiatique, notamment au Vietnam et en Chine, où l'on prête des vertus thérapeutiques - non prouvées scientifiquement - à la poudre de corne.
Pour les éleveurs, la légalisation du commerce devrait permettre de rendre le trafic illégal moins attrayant financièrement... et sauver cette espèce de l'extinction. Les propriétaires des reserves de rhinocéros, qui prélèvent la corne sans tuer l'animal (contrairement aux braconneurs), seraient amenés à vendre la poudre moins cher que sur le marché noir (entre 25 000 dollars et 60 000 dollars le kilogramme).
Millionnaires potentiels
Les éleveurs assuraient aussi que le coût pour protéger leurs réserves contre les braconnage était devenu trop élevé. "Vous avez besoin d'une vraie armée pour protéger les rhinocéros, avec des soldats, des lunettes de vision nocturne et des hélicoptères, sans quoi vous êtes sans défense", a affirmé Izak du Toit, l'avocat du principal éleveur sud-africain John Hume.
Mais les organisations environnementales jugent que les éleveurs sont avant tout mus par leur propre intérêt financier. John Hume a ainsi stocké près de quatre tonnes de corne de rhinocéros dans des coffres forts, a assuré l'avocat de l'organisation de défense des animaux Ifaw après le jugement. La fin du moratoire fait de cet éleveur un millionnaire en puissance.
Les détracteurs du verdict rappellent également que l'interdiction a été introduite en 2009 car le braconnage avait explosé au début des années 2000 alors même que le commerce était légal. Ces associations appellent donc le gouvernement à faire appel au plus vite. Les éleveurs, quant à eux, espèrent que les autorités vont au contraire aller encore plus loin et lever l'interdiction de la vente à l'international.