Lundi, 32 députés du parti au pouvoir, Nidaa Tounès, ont démissionné pour protester contre la mainmise du fils du président Essebsi sur le parti. Depuis des mois, une "bataille de succession" et une grave crise interne déchirent Nidaa Tounès.
Rien ne va plus chez Nidaa Tounès. Trente-deux députés du parti tunisien au pouvoir ont démissionné de leurs postes, lundi 9 novembre : ils dénoncent les ingérences du fils du président tunisien, Hafedh Caïd Essebsi, accusé de vouloir faire main basse sur le parti. Ce dernier est même qualifié de "putschiste" par les démissionnaires.
Depuis des mois, une "bataille de succession" oppose le fils du chef de l'État au secrétaire général du parti, Mohsen Marzouk, pour prendre la tête du groupe parlementaire. Sur les bancs de l'Assemblée, Nidaa Tounès est donc scindé en deux clans : il y a le camp Marzouk et le camp Hafedh Essebsi.
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"Nous avons décidé de démissionner du groupe après le refus d’organiser une réunion du comité exécutif, qui est la seule structure légitime du parti", a déclaré à la presse le parlementaire Hassouna Nasfi, du camp Marzouk. "Nous avons démissionné pour protester contre le fonctionnement non-démocratique du parti", a-t-il ajouté.
Le président Essebsi pris à parti
Dans ce contexte explosif, le président Beji Caïd Essebsi, surnommé "BCE", n’a pas été épargné. Le parti fondé par ce dernier est en proie aux dissensions depuis que "BCE" en a quitté la tête pour devenir chef de l’État [il a été élu en décembre 2014].
Le mois dernier, Lazhar Akremi, dans la foulée de sa démission de son poste de ministre chargé des Relations avec le Parlement, avait accusé "BCE" d'avoir abandonné le parti pour le palais de Carthage, siège de la présidence. "Il a quitté le navire pour aller sur un yacht. C'est impardonnable", avait-il déclaré, cité par l'hebdomadaire "Réalités".
Ces 32 députés démissionnaires avaient même adressé - et publié - une lettre acerbe au chef de l'État, l'accusant de "passivité" et réclamant son intervention. Le président "n'entend pas prendre parti", a rétorqué son porte-parole Moez Sinaoui, cité par Mosaïque FM.
Ennahda devient la première force parlementaire
Outre les conséquences désastreuses sur l’image du parti, ces départs ont une deuxième conséquence notable : elles font du mouvement islamiste Ennahda la première force parlementaire. Nidaa Tounès ne dispose plus que de 54 élus à l’Assemblée, alors qu’Ennahda dispose de 67 sièges. "Nous n'avons aucun plan visant à accaparer le pouvoir ou même diriger le gouvernement", a toutefois assuré mardi Rached Ghannouchi, le président du mouvement.
Cette crise vient également parasiter la tâche du Premier ministre Habib Essid, dont l'action est déjà contestée, sur fond de déprime économique.
Des médias locaux ont jugé lundi que le "point de non-retour" était atteint. "La rupture est consommée", a résumé le site du magazine "Leaders". Formation réunissant aussi bien des personnalités de gauche et de centre droit que d'anciens dignitaires du régime de Ben Ali, Nidaa Tounès ne vit pas sa première crise. La tenue de son congrès est repoussée depuis des mois et, dès le printemps, des voix avaient dénoncé une tentative du fils du président de faire main basse sur le parti.
Avec AFP