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Front républicain : vers une évolution de la position du PS aux régionales ?

À un mois des régionales, l’attitude de la gauche vis-à-vis du FN lors du second tour fait déjà débat. Si certains semblent prôner une évolution au PS, la doctrine du front républicain pour faire barrage à l'extrême droite ne devrait pas changer.

C’est désormais une habitude. À chaque élection, dirigeants de droite comme de gauche se demandent quelle attitude adopter face au Front national (FN). Les élections régionales des 6 et 13 décembre 2015 n'échappent pas à la règle. Si le FN accède au second tour, faut-il appeler à lui faire barrage ? Faut-il se désister en cas de triangulaire ? Voire faut-il carrément, pour le parti Les républicains et le Parti socialiste, fusionner leurs deux listes ?

Si la ligne du "ni-ni" est plutôt claire à droite, en plus d’être facilitée par des sondages favorables à l’approche du scrutin, le choix est en revanche plus délicat à gauche. En difficulté sur le plan national, et alors qu’il pourrait perdre le Nord-Pas-de-Calais-Picardie et la Provence-Alpes-Côte-d’Azur, deux régions emblématiques qu’il dirige respectivement depuis 29 ans et 18 ans, le Parti socialiste n’a pas tranché.

Le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a affirmé que rien n’était exclu mais a toutefois publié, mercredi 4 novembre dans "Le Monde", un plaidoyer pour enjoindre ses troupes à ne pas abdiquer. Selon lui, en se prononçant sur la question du front républicain à un mois du premier tour, le PS "indiquerait à la gauche que le vote utile contre le Front national est le vote à droite. Il induirait ainsi que l’avenir dans le pays se jouera entre la droite parfois extrême et l’extrême droite". "Nous nous battrons pour créer la surprise dès le premier tour, a-t-il poursuivi. Puis nous analyserons la situation."

"L’urgence absolue, effectivement, c’est de faire campagne en vue du premier tour, estime le politologue Thomas Guénolé, contacté par France 24. Car à quelques exceptions notables, les listes de candidats font campagne sans programme et sans propositions qui correspondent aux compétences des régions. Or il ne faut pas se tromper : la montée du FN est le symptôme du problème. Sa cause, c’est l’accumulation des échecs des partis politiques depuis de nombreuses années. Et réagir à la présence du FN au second tour par des unions de liste ou des désistements, c’est une réponse d’appareil partisan, un palliatif."

"On ne stoppera pas la dynamique électorale du FN à coup de 'fronts républicains'"

Une analyse que partage le député socialiste d’Indre-et-Loire, Laurent Baumel, dans une autre tribune publiée le même jour dans "Le Monde". "On ne stoppera pas la dynamique électorale du FN à coup de 'fronts républicains'", souligne-t-il, rappelant que "la cause massive" du vote FN "réside précisément dans cette indifférenciation perçue entre la gauche et la droite, que l’image même du 'front républicain' ne fera évidemment que conforter".

Faut-il comprendre, avec ces deux appels lancés de concert, que le PS a décidé de renoncer au front républicain ? Directement concerné, Christian Castaner, tête de liste du PS en Paca, semble effectivement ne pas vouloir en entendre parler. "La question ne se pose pas, a-t-il dit, jeudi 5 novembre. Pour faire une alliance, il faut être deux, et de toute façon Christian Estrosi, comme son mentor Nicolas Sarkozy, ont toujours rejeté tout front républicain et ont même contribué à l'élection d'élu du Front national."

"Il ne faut pas y voir une évolution dans l’attitude du PS, balaye toutefois Thomas Guénolé. C’est un cas isolé. Il faut bien comprendre qu’il s’agit d’un scrutin différent de celui de la présidentielle et qu’il y a donc des sièges en jeu pour la liste qui arrive troisième. En terme de trajectoire de carrière et d’ascension politique, être conseiller régional, ça représente quelque chose."

"C’est forcément plus difficile de prôner le front républicain alors que vous êtes en position éligible, ajoute le politologue. Mais au niveau des instances dirigeantes du PS, la question a déjà été soulevée lors des municipales et des départementales et la réponse est toujours la même : faire barrage au FN."

"Nous devons envisager le retrait complet de nos listes pour appeler à voter pour la droite"

Et ce ne sont pas les derniers sondages qui devraient inciter le PS à changer de doctrine. La liste PS-PRG de Christian Castaner obtiendrait ainsi 18 % des intentions de vote au premier tour en Paca, loin derrière la liste Front national de Marion Maréchal-Le Pen (34 %) et la liste d’union de la droite et du centre de Christian Estrosi (entre 30 % et 32 %). Des chiffres qui ont déjà provoqué des défections sur le terrain.

"Nous devons envisager le retrait complet de nos listes pour appeler à voter pour la droite", a ainsi affirmé à l’AFP la socialiste Sakina Es Snoussi, qui a décidé de se retirer de la liste PS dans le Vaucluse et qui dénonce le "flou" de ses camarades face au FN.

"Oui, je vais voter M. Estrosi", a également confirmé, jeudi 5 novembre, à Europe 1 Yves Vidal, élu maire de Grans, une petite commune de 4 000 habitants des Bouches-du-Rhône, sous l’étiquette du Parti radical de gauche. "Je ne dis pas que je le fais de gaieté de cœur, mais il y a un vrai combat à mener, qui doit dépasser les clivages, a-t-il dit. […] Donc il y a un vrai vote utile dès le premier tour".

"La décision sera nationale", avance pour sa part la tête de liste PS dans le Vaucluse, Catherine Lagrange. Or celle-ci semble déjà prise pour Manuel Valls. Sans parler explicitement de "front républicain", le Premier ministre a affirmé, mardi 27 octobre, qu’il était "hors de question de laisser le Front national gagner une région". "Tout doit donc être fait pour l’empêcher", a-t-il insisté.