
Les présidents chinois et taïwanais se sont rencontrés, ce samedi à Singapour. Une première depuis la fin de la guerre civile et la séparation de ces deux pays en 1949, qui doit consacrer un rapprochement entre ces rivaux en Asie.
Les présidents chinois et taïwanais, Xi Jinping et Ma Ying-jeou, ont échangé une poignée de main historique, samedi 7 novembre, à Singapour, au début d'un sommet qui est une première depuis la séparation de la Chine continentale et de Taïwan il y a 66 ans. "Nous sommes une famille", a déclaré le président chinois à son homologue taïwanais."Les deux côtés devraient respecter les valeurs et les modes de vie de l'autre", a répondu son homologue taïwanais.
Depuis la guerre civile qui a opposé les communistes de Mao Zedong et les nationalistes du président chinois de l'époque, Chang Kaï-chek - exilé avec ses alliés du Kuomintang à Taiwan en 1949 -, aucun numéro un chinois n'avait jamais rencontré son homologue taiwanais. Cette poignée de main, encore impensable il y a peu, s'apparente donc fort à un pas vers la normalisation des relations entre les deux pays.
"Le protocole est organisé au millimètre", précise Pierre-Philippe Berson, le correspondant de France 24 en Chine. "Il y a exactement le même nombre de représentants : sept délégués côté chinois, sept délégués côté taïwanais".
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Aucun accord ne devrait être conclu lors de cette entrevue, qui se tient en terrain "neutre", dans un hôtel chic de Singapour. En Chine, sur le réseau social Sina Weibo, cette rencontre était le sujet le plus débattu ce samedi matin. Cette rencontre "va briser la glace", se réjouissait un internaute. "Le problème de Taïwan devrait enfin être réglé [...]", espérait un autre. "Ce n'est que lorsque le peuple chinois [du continent et de Taïwan] sera réuni qu'il pourra montrer son vrai talent sur la scène internationale".
"Dictateur", "traître"
À Taïwan, où le sentiment anti-Pékin est très fort, l'enthousiasme n'était pas vraiment au rendez-vous. Des protestataires se sont rassemblés à l'aéroport de Taipei avant le départ du président Ma Ying-jeou samedi matin, brûlant des photos des deux dirigeants et scandant des slogans qualifiant le président chinois Xi Jinping de "dictateur" et Ma Ying-jeou de "traître".
Dans la nuit de vendredi à samedi, une centaine de manifestants brandissant des pancartes où était écrit "Indépendance de Taïwan" ont également tenté de prendre d'assaut le parlement de Taipei.
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"Un contexte particulier pour Taïwan"
Reste que cette entrevue est indispensable pour Taipei. "Cette visite survient dans un contexte particulier pour le président taïwanais. Son parti est donné perdant aux élections [présidentielle et législatives] de janvier prochain, explique Pierre-Philippe Berson, le correspondant de France 24. Il s'agit donc pour lui de montrer les bienfaits de sa politique de rapprochement vis-à-vis de Pékin tels que le rétablissement des liaisons aériennes directes entre Pékin et Taipei, la signature d'accords commerciaux et l'afflux massif de touristes chinois sur l'île de Taïwan".
Après des décennies de méfiance, les deux rives du détroit de Taïwan restent fortement militarisées. Mais depuis l'arrivée au pouvoir en 2008 de Ma Ying-jeou, un pro-chinois, le climat politique s'est réchauffé et les relations sino-taïwanaises vont atteindre un point culminant avec la réunion de samedi.
De profondes sensibilités politiques pèsent toujours sur la relation entre les deux pays. Depuis 1949, Pékin a toujours affirmé que l'île de Taïwan faisait partie de son territoire et constituait sa 23e province. Les dirigeants chinois exigent donc de la récupérer, le cas échéant par la force. C'est encore leur ligne officielle aujourd'hui.
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"Monsieur" et pas "président"
Pour éviter les problèmes de protocole, les deux chefs d'État ne vont pas s'adresser sous l'appellation "président" mais simplement "monsieur". Ma Ying-jeou a également indiqué qu'il n'y aurait pas de déclaration commune, afin d'apaiser les tensions à Taïwan.
Les analystes s'accordent sur le fait qu'il serait difficile pour les deux parties d'effectuer des annonces spectaculaires. Cette rencontre pourrait toutefois permettre à Taïwan de gagner en influence sur la scène internationale où ce pays est marginalisé dans l'ombre de Pékin.
Taïwan a perdu son siège au Nations unies en 1971 au profit de la Chine, et seuls 22 pays reconnaissent formellement l'île, ce qui provoque un important ressentiment parmi les Taïwanais. Ma Ying-jeou a indiqué qu'il soulèverait ce point lors de la rencontre, dans l'espoir d'un "plus grand espace international" pour Taïwan.
Avec AFP