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De l'Afghanistan à l'Allemagne, le périple de l'exil aux côtés d'un migrant

Nous vous proposons un documentaire exceptionnel : l'histoire d'un exil, d'un voyage sans retour de l'Afghanistan vers l'Europe. Notre reporter a suivi Massoud, un jeune Afghan, dans son périple, à la fois héroïque et dramatique, pour traverser sept frontières, avant de gagner l'Allemagne.

Nous avons tous en tête ces images de réfugiés débarquant sur les côtes grecques ou italiennes, hagards, transis par la peur, le froid, débordés par l'émotion, pensant avoir fait le plus dur. Des images choc qui passent en boucle dans les journaux télévisés... Avec ce reportage, j’ai voulu montrer l'avant et l'après traversée. Raconter les doutes, les déceptions, les mauvaises rencontres, mais aussi les moments de joie et, parfois, les bonnes surprises.

Bonnet vissé sur la tête, barbe fournie et sac à dos, c'est dans la peau d'un réfugié que j'entreprends ce périple. J'accompagne Massoud, 27 ans, un Afghan rencontré à Hérat, dans l’ouest de l’Afghanistan. Menacé par les Taliban, il avait décidé de fuir, seul, vers l'Allemagne. J'avais filmé ses adieux déchirants à sa famille.

Au cours de ce reportage, j'ai suivi Massoud, ou plutôt tenté de le suivre partout. Car la route des réfugiés est aussi difficile pour un journaliste qui doit en ramener des images. Il faut errer tard dans la nuit dans les banlieues sombres d'Istanbul, ou encore observer et comprendre le manège des passeurs. Aller à leur rencontre, tenter de les convaincre d'accepter la présence de notre caméra sans contrepartie financière. Face à leur refus, il faut imaginer comment les filmer en caméra cachée, les suivre à distance, avec l'aide de Massoud qui envoie ses géolocalisations à intervalles réguliers.

>> À lire sur France 24 : "I am with them", le projet photo qui donne un visage aux réfugiés

Pour Massoud, je suis comme une bouée de sauvetage à laquelle il se raccroche quand il se sent perdu. Pendant tout son périple, j'essaie de remplir ce rôle quand le moral n'est pas au beau fixe. Nous formons un duo, une complicité s'installe, nos destins sont désormais presque liés. Nous essayons d'avancer ensemble, mais la réalité de nos origines et de nos démarches nous rappelle que c'est parfois impossible.

Nous sommes séparés une première fois en Turquie, au moment de traverser la mer Égée en direction de la Grèce. Après dix heures de route à suivre les passeurs en toute discrétion, je perds Massoud et le convoi à environ cinq kilomètres de la côte turque. Sa dernière géolocalisation m'indique qu'il fait route vers Assos, petit village situé face à l’île de Lesbos. Il est 5 h du matin. Je cherche sa trace sur une petite route de campagne déserte. Je demande à mon chauffeur turc d'arrêter la voiture sur les hauteurs d'une falaise qui surplombe la mer. Il coupe le moteur pour que je puisse écouter la nuit.

>> À voir sur France 24 : À bord d’une chaloupe de réfugiés entre la Turquie et la Grèce

Alors que j’entends des murmures en contrebas, une berline blanche passe à mon niveau. Ce sont les passeurs. J’ai ma caméra en bandoulière, ils l’ont vue ! Je dis à mon chauffeur de partir au plus vite et je saute dans la végétation dense. Je m'enfonce, j'attends. Je cache sous une pierre ma carte mémoire qui contient les images que j’ai filmées jusqu’ici. J'entends les passeurs lancés à ma recherche rôder autour de moi... Je me cache sous un rocher en pente, ils ne me trouvent pas et repartent. Je respire. Je peux continuer à filmer leurs opérations jusqu'au lever du jour.

Une deuxième fois, Massoud et moi sommes séparés, en tentant de passer en Macédoine. Puis, une troisième fois, en entrant en Croatie.

Pour moi, le chemin de l'exil a parfois viré à la chasse à l'homme. Une sorte de voyage dans le voyage, avec le curieux sentiment d'avoir frôlé l'échec, si Massoud n'avait pas joué le complice, compagnon de route jusqu'au bout.

Massoud, lui, qui est en Allemagne depuis presque un mois, attend toujours que sa demande d'asile soit examinée. S’il l’obtient, sa nouvelle vie pourra enfin commencer.
 

Un grand reportage de Clément Gargoullaud, avec Constantin Simon.