envoyé spécial France 24 à Twickenham (Royaume-Uni) – Pour mener l’Australie en finale de la Coupe du monde 2015 de rugby, le sélectionneur Michael Cheika s’est appuyé sur plusieurs adjoints talentueux, dont notamment Stephen Larkham. Ou l’histoire d’une rivalité brisée sur l’autel du pragmatisme.
Il y a encore un an, nul n’aurait pu prédire que l’Australie filerait tout droit vers la finale de la Coupe du monde de rugby 2015 - que vous pourrez suivre en direct commenté sur France24.com.
À la fin d’un Four Nations 2014 marqué par une déroute en Nouvelle-Zélande (51-20) et une défaite historique face aux Pumas d'Argentine (21-17), la peau des Wallabies ne valait plus un dollar australien. La campagne s’était même conclue par la démission du sélectionneur Ewen McKenzie, visiblement échaudé par les contre-performances et les frasques de ses hommes forts, Quade Cooper, James O’Connor et Kurtley Beale en tête. Un épisode qui aura au moins eu le mérite de mettre un sacré coup de pied dans la fourmilière.
Entre la fin de la Coupe du monde 2011 et la défection de McKenzie, les Australiens n’avaient remporté que 21 victoires en 40 confrontations internationales. Un bilan indigne d’un grand du rugby mondial, qui laissait entrevoir le pire pour cette édition 2015. Puis Michael Cheika est arrivé.
Nommé en urgence pour la tournée d’automne en 2014, l’ancien numéro 8 du Leinster (Irlande) et du Stade Français s’est attelé à recréer une dynamique de groupe. "Les choses changent car les joueurs l'ont voulu. Ce que je sais, c'est que les gars jouent les uns pour les autres… Ils veulent porter ce maillot et ils sont investis quand ils sont sur le terrain", expliquait d’ailleurs Cheika, en conférence de presse, au sortir de la demi-finale remportée par les siens face à l’Argentine (15-29).
Pour remettre les Wallabies dans le bon sens, Cheika a su construire autour de son expérimenté capitaine Stephen Moore, mais pas seulement. Il a obtenu de la fédération un assouplissement des règles de sélection, ce qui a permis le retour de plusieurs cadres sous le maillot jaune. Le métronome au centre Matt Giteau et le virevoltant ailier Drew Mitchell, qui évoluent désormais dans le Top 14, ont donc été de nouveau conviés en sélection et leur apport a été conséquent. La Fédération australienne a même pris le soin de verrouiller les contrats fédéraux de certains cadres, comme Israel Folau, Bernard Foley ou David Pocock.
Une défense mastoc, une attaque de choc
Michael Cheika, en bon troisième ligne centre, a su insuffler de la combattivité à ses troupes. Sous sa direction, les Wallabies ont retrouvé des couleurs, jusqu’à pouvoir revendiquer une série de dix succès en onze rencontres sur ces quatre derniers mois.
Première explication : une agressivité défensive retrouvée. Depuis le début de la Coupe du monde, la défense australienne n’a encaissé que cinq essais : trois face à l'Écosse, un seul face à l'Angleterre et aux Fidji et surtout aucun face à l’Argentine, ni contre des Gallois pourtant à 15 contre 13 une partie de la deuxième période.
Mais ce n’est pas tout. Cheika a également eu l’intelligence d’aller chercher ailleurs ce qu’il n’était pas en mesure de proposer par lui-même. Quitte, à la surprise général, à puiser dans le réservoir de grands rivaux. Et c’est ainsi qu’est arrivé Stephen Larkham, désigné pour prendre en charge la destinée des arrières du XV australien. "Bernie", dont le casque vissé sur la tête a illuminé le jeu des Wallabies entre 1996 et 2007, avait dans ses bagages la dose de créativité qu’il manquait à cette génération.
Un constat s’impose : c’est bel et bien l’attaque de feu de ces Wallabies transformés qui a tracé une voie royale jusqu’à la finale. Avec 26 essais marqués en six rencontres, les Australiens ont rappelé à la planète rugby qu’ils avaient les éléments pour faire le spectacle. Au sein de cette attaque, Drew Mitchell et Adam Ashley-Cooper ont aplati dans l’en-but à quatre reprises chacun, dans un style que n’aurait pas renié leur entraîneur-adjoint. "Je crois que tous les essais qui ont été marqués cette année viennent de mon travail, s’est d’ailleurs amusé Larkham au sortir du succès australien face aux Pumas.
Rivaux en club, alliés en Coupe du monde
L’association entre le sélectionneur et son adjoint aurait pourtant pu tourner à l’aigre rapidement. La faute à une rivalité naturelle entre les deux techniciens, qui dirigent deux franchises à l’antagonisme historique en Super Rugby : Cheika à la tête des Waratahs de Sydney, et Larkham, entraîneur en chef des Brumbies de Canberra.
Mais le pragmatisme est parfois souverain. "On ne se considère pas comme coach des Waratahs ou coach des Brumbies. […] On est tous sur la même embarcation. J'ai une responsabilité, comme tous les autres entraîneurs. Mais 'Cheik' a le dernier mot et cela fonctionne bien", expliquait il y a peu le numéro 10 aux 102 sélections chez les Wallabies.
Difficile de le contredire, d’autant qu’à cette doublette de choc s’ajoute l’excellent travail de l’Argentin Mario Ledesma, recruté en janvier pour transformer la faible mêlée australienne en machine à broyer les packs adverses.
L’Australie, qui affronte samedi la Nouvelle-Zélande en finale de la Coupe du monde, sait qu’il lui reste à écrire la conclusion de cette belle histoire. Seize ans après leur dernier titre mondial face au XV de France, un succès face aux brillants All Blacks viendrait parachever une œuvre incontestablement magistrale depuis près d’un an.