De violents incendies, provoqués par la culture - illégale - sur brûlis, ravagent depuis plusieurs semaines les forêts d’Indonésie avec des conséquences dramatiques pour l’homme et la faune. On recense déjà 19 morts.
Chaque automne, c’est le même scénario qui se répète en Asie du Sud-Est et en Indonésie : de nombreuses entreprises, liées au secteur de l’huile de palme, utilisent illégalement la technique de la culture sur brûlis pour défricher et fertiliser les zones tropicales du pays. Chaque année, ce sont donc des milliers d’hectares qui partent ainsi en fumée en vue d’accroître les palmeraies.
Normalement, ces feux finissent par s’éteindre au début de la mousson dans la région, au mois de novembre. Mais cette année, les incendies allumés dans les provinces de Sumatra et Kalimantan, où la culture de palmiers à huile se développe, la situation est devenue très alarmante. Dix-neuf personnes ont déjà trouvé la mort depuis le mois de juillet. En dépit des avions bombardiers d'eau dépêchés par les autorités indonésiennes et de l'aide internationale, des milliers d’incendies ne sont toujours pas éteints. La population est excédée et le président indonésien Joko Widodo a dû écourter lundi 26 octobre son déplacement aux États-Unis pour revenir au pays et s’occuper de la crise.
El Niño
Si les incendies prennent une tournure aussi dramatique en 2015, c’est à cause d’El Niño, ce courant chaud qui provoque une sécheresse plus importante que d’habitude sur la planète. "[Ce phénomène] perturbe le régime des vents sur les côtes ouest du continent américain et provoque des pluies. En Asie du Sud-Est, [El Niño] provoque de longues sécheresses, [c’est] ce qui se passe en ce moment en Indonésie", a expliqué Jérôme Frignet, responsable de la campagne forêt à Greenpeace France à "La Croix".
Les conséquences sur l’homme sont dramatiques : hormis les décès, les incessants dégagements de fumée ont touché des dizaines de milliers de personnes qui sont aujourd'hui victimes de pathologies respiratoires. Ces feux ont également entraîné la fermeture temporaires d’écoles, provoqué la colère de pays voisins comme la Malaisie ou Singapour, et perturbé le trafic aérien jusqu’en Thaïlande et aux Philippines.
"Mettre les coupables en prison"
"Si on veut que ce désastre cesse de se reproduire, il faut mettre les coupables en prison pendant longtemps, révoquer leurs licences [pour l'exploitation de plantations, NDLR] et confisquer leurs terres", a confié un Indonésien, interrogé par l’AFP. Mais malgré de lourdes peines prévues pour ces infractions, la législation est peu appliquée en raison de la corruption qui grangène le pays, estiment les observateurs et les ONG.
Un Français vivant depuis 17 ans en Indonésie, lui aussi excédé, a dénoncé dans une vidéo adressée au chef de l'État indonésien les pratiques de l'industrie de l'huile de palme. "Monsieur le président, je suis en colère parce que toutes ces souffrances existent à cause de l'industrie de l'huile de palme", huile végétale la plus consommée au monde, déclare-t-il dans cette vidéo mise en ligne le 21 octobre et visionnée plus de 86 000 fois.
"Monsieur le Président, je suis en colère parce que toutes ces souffrances existent cause de l’industrie de l’huile de palme"
VIDEO: Pesan saya kepada Yth Presiden RI... par kalaweitprogram
Orangs-outans en danger
La faune aussi est évidemment touchée. Des associations et ONG indonésiennes s'alarment notamment sur l'état de santé déplorable des orangs-outans. Ces derniers sont asphyxiés par ces feux de forêts, malades et affamés. Au centre de réhabilitation de Nyaru Menteng, dans la province de Kalimantan, sur la partie indonésienne de l’île de Bornéo, 16 bébés orangs-outans souffrant d’infections respiratoires provoquées par l’épaisse fumée âcre ont été mis en quarantaine.
D’autres singes sautent de barre en barre dans leur cage en faisant claquer leurs lèvres, produisant un son qui inquiète le personnel qui s’occupe d’eux : "Cela s’appelle un baiser rapide. Quand ils font ça, cela signifie qu’ils sont très stressés", a expliqué à l’AFP un employé du centre.
Pour les sauver, un vétérinaire, un alpiniste professionnel et un technicien du centre ont entrepris une mission risquée en forêt. Bravant les flammes et l’air toxique, ils ont décidé de partir à la recherche d’orangs-outans en détresse.
Jakarta, troisième bassin forestier au monde, cinquième émetteur mondial de gaz à effet de serre, s'est engagé à réduire ses émission de 30 % d'ici 2030. L’Indonésie devrait jouer un rôle important lors la conférence internationale sur le climat (COP 21) sous l'égide des Nations unies en décembre, à Paris, mais le pays n’a toujours expliqué comment il comptait lutter contre ces incendies de forêt qui contribuent largement à émettre des gaz à effet de serre.
Avec AFP