
Les autorités américaines veulent savoir comment l’organisation de l’État islamique a pu mettre la main sur des véhicules Toyota qui semblent flambant neufs sur les photos et les vidéos de propagande. Le constructeur japonais l’ignore.
Washington a officiellement demandé à Toyota comment l’organisation de l’État islamique (EI) avait mis la main sur tous ces véhicules japonais flambants neufs, présents sur bon nombre de photos et vidéos de propagande du groupe terroriste, a appris la chaîne américaine CNN mercredi 7 octobre.
Les militants de cette organisation terroriste semblent en effet avoir une prédilection pour les modèles Hilux et Land Cruiser de Toyota, d’après des responsables du contre-terrorisme américain interrogés par la chaîne américaine ABC. "On ne peut que constater à regret que ces deux types de véhicules font aujourd’hui partie intégrante de l’image de l’EI", confirme à ABC Mark Wallace, responsable de l’ONG américaine Counter Extremism Project.
Fiabilité à toute épreuve
Le géant japonais a affirmé ne "pas être en mesure" de tracer des véhicules qui auraient été volés ou achetés puis revendus par des intermédiaires pour finir entre de mauvaises mains. Toyota a également rappelé que les ventes directes de ses voitures en Syrie ont été arrêtées depuis plusieurs années. La marque a dit s'assurer que ses utilitaires n’étaient pas acquis pour être ensuite "militarisés".
La piste la plus probable remonte à l’Irak. Les ventes de Hilux et Land Cruiser y ont été multipliées par trois entre 2011 et 2013, note la chaîne ABC. Des centaines de ces véhicules auraient été acquis par les troupes de l’EI grâce à un intermédiaire "indéterminé", juge Lukman Faily, ambassadeur d’Irak aux États-Unis interrogé par ABC. D’autres pourraient provenir des stocks de Toyota que des pays comme la Libye ont achetés au fil des ans sans jamais s’en servir et qui ont pu finir entre des mains terroristes après la chute du régime de Kadhafi.
Pourquoi cet appétit pour le "made in Toyota" ? La raison le plus souvent évoquée est la fiabilité de la marque. Un épisode entier de l’émission "Top Gear" sur la BBC était consacré, en 2010, aux mille et une façons d’essayer de "tuer" une Hilux sans pour autant y parvenir. La voiture, après avoir été "noyée" dans une rivière, projetée contre des obstacles et brûlée, continuait tout de même à rouler. Cette solidité à toute épreuve joue clairement en faveur de son utilisation sur des terrains accidentés ou dans des zones de conflit comme la Syrie.
Déjà les Taliban
Il y a aussi l’héritage. Les Toyota étaient déjà utilisées par les Taliban dans les années 1990, rappelle la "World Peace Foundation" américaine. Il s'agissait même des véhicules de prédilection d’Oussama Ben Laden et de sa garde rapprochée, notait déjà en 2001 le "New York Times", qui racontait cette filiation automobile entre les deux mouvements extrémistes.
Ce n’était pas seulement pour leur fiabilité. C’était aussi "pour ne pas dépendre de la chaîne de distribution des constructeurs américains car il était plus facile pour ces groupes d’obtenir des pièces de rechange pour une marque japonaise qu’américaine", note Wassim Nasr, spécialiste des mouvements jihadistes pour France 24.
Les Toyota ont ensuite fait le tour du monde - et surtout d’Afrique - des groupes rebelles, insurgés, terroristes, souligne la "World Peace Foundation". Les Land Cruisers sont "très présents dans les régions très sèches du Sahel et du Sahara ainsi qu’en Somalie", souligne Asim Elhag, qui travaille sur les conflits en Afrique pour la "World Peace Foundation". Il estime qu’après plus de 15 ans, il serait temps que Toyota mette en place des systèmes de contrôle plus efficaces pour empêcher ses véhicules de se transformer en machines de guerre pour des groupes terroristes.