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Camp de migrants syriens de la porte de Saint-Ouen : où en est-on ?

Des dizaines de migrants syriens campent depuis des mois à la porte de Saint-Ouen, dans le nord de Paris. Après avoir augmenté notablement, leur nombre s'est aujourd'hui stabilisé. Mais la situation reste confuse dans ce campement atypique.

Que se passe-t-il au campement de migrants de la porte de Saint-Ouen ? Dans le XVIIIe arrondissement, dans le nord de Paris, des migrants syriens ont depuis plusieurs mois posé leurs tentes, faute d’hébergement. Alors qu’il ne comptait que 80 personnes environ, de nouvelles arrivées, la semaine dernière, ont grossi le camp de fortune, suscitant un regain d’intérêt médiatique.

La situation est unique en son genre, notamment après le démantèlement des campements situés quai d’Austerlitz et face la mairie du XVIIIe arrondissement, où vivaient près d’un millier de personnes. Plusieurs voix se sont élevées, notamment dans les milieux associatifs, pour interpeller les autorités et demander pourquoi des migrants syriens restaient dans la rue.

Un afflux ponctuel au moment de l’Aïd

Évoquant "un nombre impressionnant de personnes", la mairie de Paris a affirmé à France 24 en avoir recensé 160 sur place, jeudi 24 septembre. Il s’agit, selon elle, d’un "campement atypique fait d’une population de Roms originaires de Syrie, des personnes itinérantes". "C’est un phénomène qu’on a déjà rencontré à Paris, ils viennent au moment de la fête musulmane de l’Aïd [qui avait lieu jeudi, NDLR]", poursuit le responsable à la ville de Paris. Selon lui, ils ne souhaitaient pas être hébergés car ils repartaient quelques jours plus tard. Et de souligner que l’État avait déjà pris en charge 2 200 personnes depuis début juin. "Il n’y a environ qu’une trentaine de personnes à la porte de Saint-Ouen qui souhaitent réellement être prises en charge, donc hébergées ". Pour l’heure, les autorités attendent que le nombre de personnes se stabilise.

Des évolutions que confirme à France 24 Fadi, bénévole de l'Association franco-syrienne, qui vient en aide aux migrants et réfugiés syriens dans la région parisienne. Ces dernières semaines, il s’est rendu très régulièrement porte de Saint-Ouen, et a lui aussi constaté "un nombre immense de personnes au moment de l’Aïd ". Sur place, mardi, il n’en a vu qu’une trentaine à peine. "Les personnes encore là-bas étaient déjà là il y a plusieurs semaines. Les autres sont parties. Certaines étaient là uniquement pour quelques jours, les autres étaient là depuis longtemps mais ont décidé de partir car les choses n’avançaient pas pour elles", raconte-t-il. Il affirme en outre avoir vu des forces de l’ordre retirer les tentes inoccupées.

Il n’en reste pas moins que la situation dramatique de ce campement est antérieure à cette période particulière de l’Aïd. Apparu pour la première fois en mars 2014, puis démantelé après une régularisation exceptionnelle des migrants syriens présents alors, il est réapparu début 2015. La porte de Saint-Ouen est devenue depuis plus de 18 mois un point de ralliement pour les exilés syriens. Arrivés clandestinement dans l’Hexagone, ils se retrouvent dans cette zone, avant d’entamer des démarches de demande d’asile en France ou de tenter de gagner un autre pays européen.

Le manque d’encadrement des migrants génère une situation confuse

"C’est vrai que ces dernières semaines, il y avait tout et n’importe quoi là-bas", explique Fadi. "Dans la rue, et après la médiatisation dont ils ont fait l’objet, beaucoup de monde leur a apporté de l’aide, tant et si bien qu’ils avaient trop de vêtements et de produits. Des personnes sont même venues sous mes yeux distribuer de l’argent dans des enveloppes", raconte-t-il. "Normal que cela attire des gens qui veulent en profiter aussi", sourit le jeune homme, soulignant que les vêtements apportés en surplus et qui ont fini sous la pluie avec les ordures auraient pu servir à d’autres qu’eux, si l’aide avait pu être canalisée "par une ou deux associations".

Mais pour Fadi, ce "flou" est la conséquence "d’un manque criant d’encadrement de la part de l’État, notamment au niveau de l’accueil. […] S’il y avait un endroit précis pour accueillir les migrants qui souhaitent demander l’asile en France, ils ne seraient pas devenus des sans-abri et on n’aurait pas connu cette confusion. S’ils ne connaissent personne ici, ils ont besoin d’être orientés et accompagnés dans leurs démarches administratives. Or, en France, on n’a pas ce genre de structure ou d’endroit, contrairement aux pays nordiques", regrette le jeune homme. Sceptique, il estime que sans action de l’État dans l’accueil des migrants, même si le camp de la porte de Saint-Ouen disparaît d’ici quelques jours, une situation similaire va nécessairement se répéter.

La capitale est en effet confrontée depuis plusieurs mois à un afflux inhabituel de migrants, en majorité des Syriens fuyant la guerre qui ravage leur pays depuis plus de quatre ans et demi. Nombre d’entre eux sont hébergés par des proches, ou logés à leurs frais. D’autres ont trouvé refuge dans des centres d’hébergements d’urgence en attendant de déposer une demande d’asile. Cette démarche faite, ils peuvent en théorie obtenir une place en Centre d’hébergement pour demandeur d’asile (CADA). Près de 500 autres encore squattent le lycée désaffecté Jean-Quarré dans le XIXe arrondissement, mais le tribunal administratif leur a ordonné vendredi de quitter les lieux dans un délai maximum d'un mois.