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SNCF : les chibanis discriminés "ont obtenu réparation sur le plan moral"

La SNCF a été condamnée lundi pour discrimination envers plusieurs centaines de chibanis marocains embauchés au début des années 1970. Un verdict salué par leur avocate qui évoque une "réparation avant tout morale".

"Ils ont avant tout obtenu réparation sur le plan moral et c’est le plus important ", commente Clélie de Lesquen. L’avocate est satisfaite : ses clients viennent de gagner une bataille engagée il y a près de 15 ans. Le conseil des prud’hommes de Paris a condamné, lundi 21 septembre, la SNCF pour "discrimination dans l'exécution du contrat de travail" et "dans les droits à la retraite" de plus de 800 chibanis d’origine marocaine. Chacun d'entre eux devrait recevoir en moyenne 200 000 euros de dommages et intérêts.

Une victoire pour ces hommes, retraités pour une majorité d'entre eux. "Aujourd’hui, on est cheminots à 100 %", a réagit Mohamed Ben Ali, 65 ans, cité par l’AFP, à l’issue du verdict. "C'est une grande chose : ils reconnaissent la différence que la SNCF a faite entre nous et les Français", a-t-il poursuivi. Là est toute la question : pour le même travail effectué, le groupe ferroviaire leur a imposé un traitement différent de celui de leurs collègues français.

Quand la SNCF recrutait des travailleurs au Maroc

Une injustice durement ressentie par ces Marocains, aujourd’hui retraités. Ils n’ont pas toujours été des chibanis - ce terme qui signifie "homme aux cheveux blancs" en arabe désigne aujourd’hui des immigrés retraités qui ont travaillé à la reconstruction de la France. Leur histoire a commencé dans les années 1970, durant les Trente Glorieuses. En mal de main d’œuvre, la SNCF recrute alors environ 2 000 Marocains, en vertu d’une convention signée en 1963 par la France et le royaume chérifien, fraîchement indépendant. Ces chibanis ont été recrutés sur leur sol : des sélections et des visites médicales ont été "organisées surtout dans les régions qui avaient fourni des militaires lors de la Seconde Guerre mondiale, là où il y avait des gens costauds et en bonne santé", raconte à l’AFP Ben Dali, l’un d’eux, aujourd’hui âgé de 63 ans.

Ils avaient été recrutés en tant que contractuels, soit avec un CDI de droit privé, et ne relevaient donc pas du statut particulier des cheminots, plus avantageux, réservé à l’époque aux seuls Français (et dont ont bénéficié par la suite les ressortissants européens et les jeunes embauchés). Or à l’époque, ils étaient de nationalité marocaine. La moitié d’entre eux a été naturalisée par la suite, sans que rien ne change pour eux : ce statut de cheminot était réservé aux embauchés de moins de 30 ans.

Sur les 2 000 Marocains, 832 ont déposé un recours à partir de 2001 devant le conseil des prud’hommes, s’estimant lésés dans leur carrière et leur retraite par rapport à leurs collègues qui effectuaient un travail identique. Les plaignants réclamaient chacun en moyenne 400 000 euros de dommages et intérêts. Ils en ont obtenu la moitié.

"Si la SNCF fait appel, nous augmenteront les demandes"

Contactée au téléphone par France 24 peu de temps après le verdict, Clélie de Lesquen ne cache pas sa joie. " Nous sommes très satisfaits du jugement qui a été rendu aujourd’hui. Le principe de la discrimination et de l’inégalité dans le travail a été reconnu", se réjouit-elle. "Et nous obtenons en moyenne des indemnités de 200 000 euros par personne ", précise l’avocate, qui salue de "très belles décisions". "Mes clients étaient très heureux du verdict et d’être reconnus par la justice comme des cheminots. Ils ont obtenu réparation d’un préjudice fait à leur carrière", poursuit-elle.

De son côté, la SNCF indique dans un communiqué qu'elle compte "analyser dans les prochaines semaines les conséquences juridiques et réglementaires des décisions du conseil des prud'hommes", notamment sur la possibilité de faire appel. Elle estime toutefois avoir respecté les dispositions légales en vigueur dans cette affaire. "Celles-ci excluent, aujourd'hui encore, l'embauche au statut SNCF de ressortissants de pays non membres de l'Union européenne", rappelle la société ferroviaire.

Mais l’avocate des plaignants prévient : "Nous avons déjà signalé que si la SNCF faisait appel, nous allons augmenter les demandes qui pour ce procès instance ont été calculées a minima". Compte tenu du nombre de dossiers, les décisions seront notifiées individuellement aux plaignants à partir du 23 octobre et la SNCF aura alors un mois pour faire éventuellement appel.