Alors que s'ouvre ce mercredi au Caire une conférence privée pour lutter contre la piraterie, Patrick Simon, avocat spécialisé dans le droit maritime, décline pour FRANCE 24, les solutions envisageables pour éradiquer ce fléau.
Une semaine après la conférence internationale sur la piraterie sous l’égide de l’ONU, une autre conférence, cette fois-ci privée, s’ouvre au Caire ce mercredi. Des représentants gouvernementaux et privés de 20 pays sont réunis pour tenter de trouver des solutions à ce fléau qui ne cesse de s’amplifier dans le Golfe d’Aden.
Interrogé par FRANCE 24, Patrick Simon, avocat et président de l’association française de droit maritime, propose trois pistes pour éradiquer les actes de piraterie. La première consiste à éviter le Golfe d’Aden au profit du Cap de Bon Espérance. Ce détour est déjà adopté par de nombreux navires, malgré le surcoût que cela implique pour l’affréteur. La conséquence est aussi lourde pour le Canal de Suez : une perte de 300 millions de dollars (215 millions d'euros) sur ces quatre derniers mois. Autre option évoquée : les marins ont la possibilité d’utiliser des lances anti-incendie ou des alarmes en cas d’attaque. Mais cela ne recueille que peu de soutien au vu des risques encourus.
Escorte militaire ou sociétés privées de sécurité
La troisième solution est notamment préconisée par les Etats-Unis. Il s’agit pour les armateurs de faire appel à une escorte militaire ou à des sociétés privées de sécurité comme Blackwater. "La marine nationale ne peut pas être derrière chaque navire", précise Patrick Simon. Certains affréteurs exigent déjà de l’armateur qu’il fasse appel à ce type d’escorte.
Cette dernière option, qui ne fait pas l’unanimité, devrait être largement débattue ce mercredi au Caire. Pour cause, la réunion est organisée par l'une de ces entreprises, Phoenix Intelligence support service.
À l’inverse, lors de la conférence internationale sur la piraterie, qui s’est tenue la semaine dernière en Malaisie sous l’égide de l’ONU, les experts maritimes ont appelé à la formation d'une force navale internationale soutenue par les Nations unies. La Somalie a quant à elle appelé la communauté internationale à l'aider à se doter d'une flotte de garde-côtes capable de traquer les pirates.
En terme légal, les actes de piraterie sont réprimés par la Convention de Montego Bay (1982). Le texte explicite les conditions dans lesquelles des navires militaires peuvent se saisir de bateaux pirates et précise ce qu'il faut faire des pirates une fois interpellés. Par ailleurs, la résolution 1846 du 2 décembre 2008 confirme la détermination de la communauté internationale à lutter contre la piraterie en Somalie. Par exemple, un Etat agréé par la Somalie peut poursuivre les pirates dans les eaux territoriales de cette dernière. La résolution vaut en mer comme sur terre. Ainsi, les forces françaises se sont appuyées sur ce texte dans l’affaire du voilier du Ponant pour intervenir sur terre afin de capturer les six pirates et récupérer une partie de la rançon. Il revient ensuite aux tribunaux de l'État qui a opéré l’arrestation de juger les pirates.
"Bombarder des zones de la ville d’Eyl", le fief des pirates
L’option terrestre pour démanteler les caches des pirates est aussi à l’étude. Patrick Simon va jusqu’à proposer la possibilité de "bombarder des zones de la ville d’Eyl". Ce petit village de pêcheurs, situé dans l’Etat du Puntland, à 800 kilomètres de Mogadiscio, constitue un repaire de la piraterie de la Corne de l’Afrique. Si Abdullah Said Samatar, le ministre de la sécurité de l'État du Puntland, l'un des fiefs des pirates, a salué la mission de la force navale internationale, il a en revanche écarté l'envoi d'une force militaire internationale pour traquer les pirates à terre. "À terre, nous ne voulons que les forces locales. Des forces étrangères ne pourraient pas faire la distinction entre pêcheurs et pirates."
Les actes de piraterie ne cessent de se multiplier dans le Golfe d’Aden, même si ce phénomène reste marginal comparé à la fin des années 1990. Ils ont décuplé au cours du premier trimestre 2009 par rapport à la même période de 2008, passant de 6 à 61, selon le Bureau maritime international (BMI). Au total, 114 tentatives d'attaques se sont produites au large de la Somalie depuis le début 2009, 29 navires ont été détournés et 479 personnes ont été prises en otage.