Les électeurs du Guatemala sont appelés aux urnes dimanche, pour élire un nouveau président. Un scrutin placé sous le sceau de la lutte contre la corruption, alors que le président sortant Otto Pérez est derrière les barreaux.
Alors que leur président sortant Otto Pérez a, en moins d'une semaine, démissionné, perdu son immunité et été placé en détention provisoire, les Guatémaltèques votent, dimanche 6 septembre, pour désigner leur nouveau chef de l'État. Cette élection présidentielle se déroule dans un climat d'exaspération inédit face à la corruption, principal chef d'accusation contre l'ex-président.
À 7 h (13 h GMT), les bureaux de vote ouvriront dans ce pays centraméricain de 15,8 millions d'habitants. Ils fermeront à 18 h (minuit GMT), avec les premiers résultats attendus après 21 h (3 h GMT lundi). Il s'agit dimanche du premier tour, le second aura lieu le 25 octobre.
Après avoir déposé son bulletin dans l'urne, chaque électeur devra tremper son index dans de l'encre indélébile, ce qui l'empêchera de voter plusieurs fois, dans ce pays où l'achat de voix est monnaie courante.
Sur les 14 candidats à la présidentielle, trois se détachent : l'humoriste Jimmy Morales, candidat de droite sans expérience politique, crédité de 25 % des suffrages dans un sondage publié jeudi, Manuel Baldizon (droite, 22,9 %) et la social-démocrate Sandra Torres, ex-Première dame (18,4 %). Les Guatémaltèques doivent aussi choisir 158 députés et 338 maires.
Semaine rocambolesque
Le scrutin survient au terme d'une semaine rocambolesque qui a vu le président conservateur Otto Pérez, accusé de diriger un réseau de corruption au sein des douanes, perdre son immunité, démissionner puis dormir en cellule, en garde à vue jusqu'à mardi avant d'être placé en détention provisoire jeudi.
Il ne s'agit que des derniers épisodes d'un feuilleton qui dure depuis avril, avec d'un côté, le travail d'enquête mené conjointement par le parquet et la Commission de l'ONU contre l'impunité (Cicig), mettant au jour plusieurs scandales de corruption, et de l'autre, un mouvement populaire sans précédent.
Avec des manifestations pacifiques organisées chaque samedi pour dénoncer la corruption, "le Guatemala donne un exemple mondial de mobilisation citoyenne", salue José Edgardo Cal Montoya, historien à l'université San Carlos. "Les Guatémaltèques se sont rendu compte qu'en se mobilisant, ils pouvaient obtenir des changements" et ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin, explique-t-il.
Purger la politique de la corruption
Satisfaits du départ d'Otto Pérez, les manifestants exigent désormais une refonte du système politique pour le purger de la corruption, source de 50 % du financement des partis selon l'Institut centraméricain d'études fiscales (Icefi).
Mais ces derniers mois, tous les recours pour repousser le scrutin, déposés par des partis minoritaires et des collectifs citoyens, ont été rejetés par le tribunal électoral. Les demandes de réformes, pour empêcher la réélection des maires et députés, changer la gestion des partis et permettre le vote à l'étranger (1,5 million de Guatémaltèques vivent notamment aux États-Unis), n'ont pas été entendues.
>> À voir sur France 24 : "Guatemala : scandale de corruption en toile de fond de la présidentielle"
Samedi, une "marche funèbre" a réuni dans la capitale plusieurs centaines d'habitants, portant un cercueil et des habits de deuil face à un scrutin "mort-né". "Nous voulions qu'ils repoussent les élections pour obtenir quelques changements dans la loi électorale, mais le Parlement a refusé", regrettait samedi Ivonne Alvarez, militante des droits de l'Homme de 63 ans, brandissant une pancarte "Je me déclare en résistance citoyenne" et assurant qu'elle ne voterait pas.
"Les citoyens disent qu'ils ne veulent pas d'élections dans ces conditions-là, car cela va être la même chose", observe Marie-Dominik Langlois, chercheuse à l'université du Québec à Montréal, qui vient de passer un an au Guatemala.
Face aux craintes d'une forte abstention, voire d'actes de violence dans ce pays majoritairement pauvre et miné par le crime organisé, les appels au vote et au calme se sont multipliés. "Celui qui vote aura toujours plus de droit et de force pour se plaindre si les promesses ne sont pas tenues", a clamé sur Twitter le président par interim Alejandro Maldonado, qui occupera ce poste jusqu'au 14 janvier. "La manifestation la plus importante et décisive, aujourd'hui, est d'aller massivement aux urnes", a souhaité de son côté monseigneur Alvaro Ramazzini, au nom de la Conférence épiscopale.
Avec AFP