De l’est de la Grèce à l’extrême nord de la France, des milliers de migrants, fuyant la Syrie, l'Irak ou encore l'Afghanistan, empruntent la route des Balkans. Karim Hakiki, reporter de France 24, livre ses impressions dans son carnet de route.
Ils arrivent par milliers. Après avoir bravé les dangers d’une traversée de la Méditerranée, ils débarquent sur les côtes européennes, notamment grecques, avec le ferme espoir d'une vie meilleure, loin des violences. Quels sont leurs désirs et leurs regrets ? Comment vivent-ils, seuls ou en famille, l’exil et la précarité ? Qui sont ceux que l’Europe nomme communément "les migrants" ? De Thessalonique, en Grèce, jusqu’à Calais, dernière étape avant le Royaume-Uni, une équipe de France 24 suit la route empruntée par des dizaines de milliers de personnes, jetées sur les routes par la guerre et les persécutions. Au-delà de cette actualité, France 24 vous propose quotidiennement de découvrir le regard que porte notre reporter Karim Hakiki sur ce périple.
Vendredi 4 septembre, Budapest (Hongrie)
Hier soir, la France et l’Allemagne sont tombés d’accord pour proposer un "quota de migrants" dans chaque pays européen. Il s’agit, selon la chancelière allemande Angela Merkel, de "se partager les devoirs au sein de l’Union européenne".
Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, qui mène depuis cinq ans une "révolution conservatrice", appréciera. Il vient d’ailleurs de déclarer dans les colonnes du quotidien allemand "Frankfurter Allgemeine Zeitung" : "L’afflux de réfugiés menace les racines chrétiennes de l’Europe".
Des propos qui n’augurent rien de bon pour les milliers de migrants entassés sur le parvis de la gare de Budapest, la capitale hongroise, où se trouvent depuis hier les envoyés spéciaux de France 24. L’atmosphère y est électrique. "La situation est kafkaïenne, ubuesque : d’un côté, la population locale veut que les migrants partent ; de l’autre, les migrants souhaitent quitter la Hongrie le plus rapidement possible, mais ils ne peuvent pas, on leur empêche l’accès à la gare et aux trains, explique Karim Hakiki, reporter de France 24. On a rencontré des gens qui attendent ici depuis 10 jours".
Aux dires du reporter, les migrants comprennent qu’ils sont devenus des enjeux politiques "entre les nations au sein de l’Union européenne, mais aussi en interne : en Hongrie, Orban flatte et renforce son électorat en laissant pourrir la situation". Selon un récent sondage consulté par les envoyés spéciaux de France 24, 70 % des Hongrois refusent de voir des migrants s’installer dans leur pays.
"Nous, on n’attend pas, on est des migrants"
"L’ambiance est ultra-tendue, poursuit Karim Hakiki. Hier soir, une femme, sûrement une militante de Jobbik, le parti d’extrême droite, est venue sur le parvis de la gare en hurlant : 'Partez ! Partez ! Partez !' Certains migrants ont formé un cordon autour d’elle et l’ont évacuée de la place en exhortant les autres de ne pas la toucher. L’un des meneurs a ensuite pris la parole pour dire : 'Écoutez, on va avoir des provocations en permanence. Aujourd’hui, il y a un match de foot, il ne faut pas que vous cédiez aux provocations des supporters qui viendront ici chercher la bagarre. Nous, il faut qu’on soit irréprochables, il faut qu’on nettoie toutes nos saletés, il faut qu’on donne une bonne image de notre présence parce qu’on n’est pas les bienvenus ici'".
Mais, raconte le journaliste, l’attitude de certains migrants nourrit aussi l’hostilité à leur égard. "Nous sommes allés dans un commerce pour acheter des puces téléphoniques. Il y avait quelques personnes dans la queue. D’un coup, un groupe de 10 personnes est arrivé. Elles n’ont pas attendu dans la file, elles sont allées direct au comptoir en disant : 'Donne-nous des puces maintenant', de façon agressive, en brandissant leur argent. 'Nous, on n’attend pas, on est des migrants, tu te fais de l’argent sur notre dos, alors tu nous donnes des puces maintenant'. Il faut arrêter avec l’image des gentils migrants et des méchants hongrois : la réalité est bien plus nuancée".