
Dans son accord de détente signé avec Pyongyang le 25 août, Séoul s’est engagé à démonter ses gigantesques haut-parleurs installés le long de la frontière avec le Nord et réactivés récemment pour "démoraliser" les troupes nord-coréennes.
Séoul s’est engagé mardi 25 août à démonter ses haut-parleurs géants – capables d’atteindre jusqu’à 10 mètres de hauteur - qui avaient été remis en route le 10 août dernier, le long de la frontière avec son voisin du Nord. La Corée du Sud avait en effet décidé de réactiver ses enceintes surpuissantes, qui déversent durant des heures entières des messages de propagande, au lendemain de l’explosion de trois mines nord-coréennes qui avaient blessé deux soldats du Sud.
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Au-delà de cette politique de représailles menées par le Sud, dont la pratique remonte à la guerre de Corée (1950-1953), la méthode étonne. Dans un monde contemporain où de multiples moyens de communication de plus en plus sophistiqués existent pour déstabiliser ses ennemis, le choix de la réactivation de mégaphones immenses peut paraître démodé. Et pourtant, le procédé fonctionne.
Il faut dire que sur ce terrain sonore, Pyongyang ne peut pas rivaliser. En cause : ses fréquentes coupures de courant. "Ces haut-parleurs ne visent pas les civils [dont les premiers villages sont loin de la zone démilitarisée, NDLR]. Ils visent à démoraliser les troupes nord-coréennes postées à quelques mètres d’eux. Ces appareils ne diffusent pas toujours des messages politiques, mais plutôt sur le quotidien des soldats du Sud, leur opulence, ce qu’ils ont mangé, ce qu’ils ont le droit de faire…", explique Pierre Rigoulot, expert de la Corée et directeur de la revue "Histoire et Liberté". "Alors évidemment, face aux pénuries nord-coréennes, cela peut donner un coup au moral."
Les lâchers de ballons sud-coréens
En 2010, Séoul avait menacé de réactiver ses haut-parleurs après que le Nord eût coulé une de ses corvettes, faisant 46 morts. Mais depuis 2004, année de la "Sunshine policy" ("politique du rayon de soleil") qui avait pour but de rapprocher économiquement et culturellement les deux pays, les enceintes étaient restées silencieuses.
Leur réutilisation en août 2015 a donc fait sortir Pyongyang de ses gonds. "Le Nord est très sensible à tout ce qui vient du monde extérieur", analyse Pierre Rigoulot. D’autant plus sensible que cette technique de propagande a déjà porté ses fruits. "Au début, je pensais que leurs messages n'étaient que mensonges. Mais après deux ans passés à les entendre, j'ai commencé à y croire", a expliqué à l’AFP Ju Seung-young, un ancien soldat nord-coréen qui a fait désertion pour rejoindre le Sud en 2002. "L'impact [de ces haut-parleurs] était plus important que ce qu'on pouvait imaginer".
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La Corée du Nord avait déjà été agacée ces dernières années par une autre méthode de "guerre psychologique" inventée par le Sud : la technique des lâchers de ballons. Envoyés par des transfuges du Nord, des ballons gonflés à l’hélium "contenant des messages politiques ou encore des clés USB" étaient envoyés en direction du Nord. Dernièrement, ils contenaient des copies du film américain "The Interview", une comédie parodique dans lequel Kim Jong-un, le leader nord coréen, est victime d’une tentative d’assassinat. Ulcéré, Pyongyang avait menacé de mobiliser toute "sa puissance de feu".
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Avec AFP