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Mohammed Allan, l'embarrassant prisonnier palestinien d'Israël

La Cour suprême israélienne se penche mercredi 19 août à huis clos sur la demande de remise en liberté de Mohammed Allan, un gréviste de la faim dont le sort tient en haleine l'opinion palestinienne et met sous pression le gouvernement israélien.

Emprisonné en 2014 par l’État hébreu, Mohammed Allan est passé en quelques semaines du statut de parfait inconnu à celui de symbole de la résistance contre l’oppresseur israélien. Les autorités israéliennes accusent cet homme de 31 ans d’appartenir au Jihad islamique, un mouvement islamiste considéré comme terroriste par Israël. Pis, le Shabak (agence de sûreté israélienne) lui prête des affiliations avec les Brigades Al-Qods, sa branche armée, et le soupçonne donc de préparer des attentats-suicides. 

Difficile de savoir qui est cet avocat de profession clamant son innocence. Presque aucun élément ne filtre sur sa vie, son parcours, son militantisme. "Je ne sais pas qui il est vraiment, mais je sais que s’il était affilié aux Brigades Al-Qods, ça fait longtemps qu’il aurait été supprimé par le gouvernement israélien", lâche le président de l’association France Palestine solidarité (AFPS), Taoufik Tahani, à France 24.

"Procédure pour se débarrasser des gens encombrants"

La seule chose que l’on sait, de manière irréfutable, c’est que le détenu n’aura pas de procès pour se défendre. L’avocat spécialisé dans la défense de prisonniers palestiniens a été placé en détention administrative : une mesure extrajudiciaire qui permet de maintenir un suspect en prison sans inculpation ni procès. Une mesure renouvelable indéfiniment tous les six mois et qui concerne aujourd’hui pas moins de 350 prisonniers. C’est contre cette forme de détention que Mohammed Allan a entamé une grève de la faim le 18 juin.

"Cette procédure permet de se débarrasser de gens encombrants. Israël l’a utilisée contre Mohammed Allan parce que le pays n’aime pas les avocats palestiniens. Ils ont un impact politique considérable sur la société palestinienne", explique de son côté Bernard Ravenel, l’ancien président de l’AFPS. "Un avocat est un adversaire politique dangereux pour Israël."

"À la différence des autres grévistes, Allan n’ingère que de l’eau, sans sels minéraux"

Depuis le 18 juin, Mohammed Allan se laisse donc mourir. Il perd la vue en quelques semaines, et est désormais incapable de respirer seul, sans respirateur. Le 14 août, il sombre dans le coma. Le 17 août, après avoir repris connaissance, le détenu lance un ultimatum de 24 heures à Israël pour statuer sur son sort. À défaut, il cessera de boire.

Ce n’est pas la première fois qu’un détenu palestinien entame une grève de la faim pour réclamer l’abolition de la détention administrative. Avant lui, des prisonniers comme Samer Issawi ou Khader Adnan avaient déjà utilisé la même méthode de protestation. Tous deux ont été libérés ces dernières années. Issawi est sorti de prison en 2013, Adnan en juillet 2015.

"Samer Issawi avait arrêté de se nourrir pendant 266 jours, en 2013 [la plus longue grève de la faim observée contre la détention sans inculpation, ndlr]. Mais à la différence d’Allan, lui - et Khader Adnan – avait accepté l'administration par voie intraveineuse de sels minéraux. Mohammed Allan n’ingère que de l’eau. Ses jours sont donc vraiment comptés", précise Yves Jardin, membre de l’AFPS.

L’alimentation forcée

Il devient urgent pour Israël de trouver une solution. Mort, le prisonnier deviendrait un martyr. Et le laisser mourir, c’est courir le risque d’une explosion de violence chez les Palestiniens, déjà excédés par la mort d’un bébé palestinien, le 31 juillet 2015. Le Jihad islamique a par ailleurs prévenu qu'il ne serait plus tenu par la trêve actuelle si Allan mourait. Mais libérer Mohammed Allan pourrait être vu comme un aveu de faiblesse et encourager les détenus à ne plus s’alimenter pour sortir de prison. "C’est aussi provoquer la colère des colons", ajoute Bernard Ravenel.

Pour ne pas perdre la face, Israël avait coupé la poire en deux et proposé lundi à Mohammed Allan une libération contre son exil à l'étranger pour une durée de quatre ans. Une proposition refusée par son avocat. "C’est Mohammed Allan qui décide ce qu'il veut faire, mais par principe, nous refusons l’éloignement de tout Palestinien de sa terre", a déclaré Riyad al-Malki, le minstre palestinien des Affaires étrangères, sur France 24. "La terre palestinienne appartient à ses habitants palestiniens et nous ne pouvons accepter l’éloignement d’un militant palestinien de sa terre, pour quelque motif que ce soit".

>> À voir sur france 24 : "Riyad al-Malki : 'Nous refusons l'éloignement de tout Palestinien de sa terre'"

Reste l’option de l’alimentation de force. Le Parlement israélien a en effet adopté fin juillet une loi en ce sens pour les prisonniers en danger de mort. Mais là encore, le recours à cette loi est risqué pour Israël. Mohammed Allan serait le premier ‘forcé’ à s’alimenter. Il renforcerait son rôle de symbole de résistance face à l’oppression israélienne.

Pour l’heure, l’option est écartée. Les médecins israéliens refusent d’appliquer cette loi qu’ils assimilent à un acte de torture. "Nous ne pouvons ni résoudre des problèmes politiques ou de sécurité, ni faire le travail des policiers", a déclaré à l'AFP Tami Karni, à la tête du service de l'éthique de L'Association médicale israélienne. "Israël est bien embêté avec ce dossier, conclut Bernard Ravenel, ce qui est sûr c'est que Mohammed Allan est un jusqu'au-boutiste. Et s’il a décidé de se laisser mourir, il le fera."