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Canal+ : Bolloré accusé de censurer un documentaire sur l'évasion fiscale

Selon Mediapart, Vincent Bolloré aurait personnellement fait interdire la diffusion sur Canal+ d’un documentaire sur l’évasion fiscale mettant en cause le Crédit mutuel, banque avec laquelle il a des intérêts. Les journalistes dénoncent une censure.

Les Guignols de l’Info ne sont pas les seuls à déplaire à Vincent Bolloré. Après avoir modifié la grille de Canal+, le patron de Vivendi, maison mère de la chaîne cryptée, serait intervenu personnellement pour censurer une enquête sur l’évasion fiscale qui devait être diffusée le 18 mai dans l’émission "Spéciale investigation", a révélé, mercredi 30 juillet, le site d’information Mediapart.

"Ce film contient plusieurs révélations embarrassantes" pour le Crédit mutuel, banque avec laquelle Vivendi a de "nombreux liens d'intérêt", écrit Mediapart, partenaire de l'enquête, qui rappelle qu’une enquête judiciaire pour soupçons de fraude fiscale a été ouverte fin 2014 contre le groupe bancaire français.

"Liens d’amitiés" entre Michel Lucas et Bolloré

L'enquête, intitulée "Évasion fiscale, une affaire française" et signée par Geoffrey Livolsi et Nicolas Vescovacci (avec Raphaël Tresanini), soupçonne le Crédit mutuel d'avoir organisé un vaste système d'évasion fiscale via ses filiales suisse et monégasque. Le programme avait été validé par la rédaction mais un coup de téléphone aurait tout changé.

Selon Mediapart, Vincent Bolloré aurait appelé le directeur général de Canal+ d'alors, Rodolphe Belmer, évincé depuis, pour "faire valoir ses liens d'amitié avec Michel Lucas, le patron du Crédit mutuel". Le film ne sera pas diffusé.

Au même moment, Vivendi annonçait le lancement d'une OPA amicale pour prendre le contrôle total de Canal+, opération copilotée et garantie par le Crédit mutuel, via sa filiale CM-CIC Securities. Interrogés, ni le porte-parole de Vincent Bolloré, ni Vivendi, ni le Crédit mutuel n'ont fait de commentaires, et Rodolphe Belmer n'a pu être joint pour commenter cette information.

Les journalistes crient à la censure

Cité par Mediapart, Jean-Pierre Canet, rédacteur en chef du documentaire et membre de la société de production KM Prod, a dénoncé une censure. "En quinze ans, je n'avais encore jamais vécu une censure aussi franche et brutale", a-t-il déclaré. "Aucune concertation ni aucune négociation n'a été possible avec la direction ou l'actionnaire principal de Canal+", poursuit-il.

Interrogé par l'AFP, Jean-Pierre Canet a estimé qu'"il y a un lien évident" entre cette censure et plusieurs décisions récentes de Vincent Bolloré à Canal+, comme l'éviction des auteurs des "Guignols de l'info", qui seront diffusés en crypté, ou les changements au "Grand Journal". "C'est une lame de fond, Vincent Bolloré prend le contrôle de Canal+ et dégage les représentants historiques de la chaîne. Mais c'est une vraie question de savoir si une chaîne privée, détenue par des industriels ayant des intérêts divergents, peut avoir une information indépendante", s'est-il inquiété.

"Nous aurions fini par le dire, mais il était délicat" de révéler cette affaire dès le mois de mai dernier, quand KM Prod était encore liée à Canal+ par de gros contrats, a-t-il reconnu. Depuis cette affaire, KM Production, producteur de l'enquête, a appris que Canal+ mettait fin à son contrat de production du "Grand Journal", sa principale source de revenu.

Avec AFP