L'Assemblée nationale doit débattre du projet de loi portant sur le droit des étrangers, dont la mesure phare vise à réduire les passages en préfecture. Le texte prévoit également de renforcer la lutte contre la fraude aux titres de séjour.
Les députés français examinent à partir de ce lundi 20 juillet le projet de loi sur le "droit des étrangers". Parmi les mesures phares du texte figure la création d'un titre de séjour pluriannuel destiné à éviter aux étrangers en règle les passages répétés et anxiogènes en préfecture.
Environ 2,5 millions d'étrangers extracommunautaires (60 % venant d'Algérie, du Maroc, de Turquie et de Tunisie) disposent d'un titre de séjour en France. Si 1,8 million d'entre eux ont la carte de résident de 10 ans, les autres doivent affronter "un véritable parcours administratif du combattant", reconnaît le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. "Nous soumettons des centaines de milliers d'étrangers à environ une dizaine de passages par an en préfecture. Comment s'intégrer quand on court de titre précaire en titre précaire ?", s'interroge-t-il.
"Accueil indigne"
La France accueille environ 200 000 nouveaux immigrants réguliers chaque année, un chiffre à peu près stable depuis dix ans. La moitié sont là pour des raisons familiales, 60 000 pour des études, 20 000 pour des raisons humanitaires (réfugiés, malades, etc) et à peu près autant dans un but professionnel.
Pour cette dernière catégorie, le texte prévoit la création d’un titre "passeport-talents", de quatre ans, qui remplacera la multitude de titres existants pour les étrangers qualifiés ou ayant une compétence particulière (artistes, scientifiques, sportifs, etc.).
Pour diminuer ces allers-retours, le projet de loi propose la création de titres de séjour d'une validité de deux à quatre ans et qui seraient délivrés après un premier titre d'un an. Ces personnes pourraient ensuite demander la carte de résident. Un amendement du Parti socialiste (PS), voté en commission, la donne même de plein droit au bout de trois ans pour les parents d'enfants français ou les conjoints de Français.
Pour le rapporteur Erwann Binet (PS), ces mesures devraient diminuer les interminables files d'attente dans certaines préfectures qui montrent que "la France est un pays d'immigration" mais "qui ne l'assume pas" car cet "accueil indigne" était jusqu'il y a peu "politiquement voulu".
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Si le texte sera soutenu par l'ensemble des groupes de gauche, l'orateur du groupe Les Républicains, Guillaume Larrivé, juge ces "micro-mesures" à "contre-sens" et défendra dans l'hémicycle un "contre-projet politique" axé sur "la réduction de l'immigration" avec des amendements sur le regroupement familial, la délivrance des visas ou le droit de la nationalité.
Intervention plus rapide du juge
Contrepartie de ces mesures, le projet de loi veut renforcer la lutte contre la fraude aux titres de séjour en donnant la possibilité aux préfets d'obtenir des données des autres administrations et de certaines personnes ou entreprises privées, telles les banques. Un article contesté par les écologistes et le Front de gauche.
Le gouvernement voudrait également convaincre les députés socialistes de faciliter les reconduites à la frontière pour les personnes déboutées du droit d'asile par des délais de recours plus brefs que pour le droit commun. Concernant les étrangers en situation irrégulière enfermés en centre de rétention, le gouvernement donnera son aval à la demande des députés PS de rétablir l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) au bout de 48 heures et non plus de cinq jours comme depuis 2011. "Il n'est pas acceptable qu'une grande partie des expulsés soient éloignés sans avoir vu un juge", explique Erwann Binet.
Le texte donne, en outre, la priorité à l'assignation à résidence, moins coercitive, sur la rétention, sauf lorsqu'il n'y a pas de garantie de représentation. Les forces de l'ordre pourront en contrepartie conduire sous la contrainte les personnes au consulat pour obtenir les laissez-passer nécessaire à leur expulsion.
Ce projet de loi succède à la réforme de l'asile qui vient juste d'être adoptée par le Parlement. Il sera soumis au Sénat à l'automne pour une adoption définitive avant la fin de 2015.
Avec AFP