logo

Grèce : le Parlement adopte les premières exigences de ses créanciers

En dépit de l’opposition d’une quarantaine de députés du parti Syriza au pouvoir, le Premier ministre grec Alexis Tsipras a obtenu le vote par le Parlement des premières réformes prévues par l’accord avec les créanciers européens.

Les députés grecs ont approuvé dans la nuit de mercredi 15 au jeudi 16 juillet, par 229 voix contre 64 et 6 abstentions, les premières réformes exigées par les créanciers européens en vue d'un nouveau plan d'aide. Le vote a été précédé d'un intense débat animé par les membres de l'aile radicale de Syriza, le parti au pouvoir, hostiles à ces réformes, qui ont été approuvées avec le soutien de plusieurs formations de l'opposition. Les mesures adoptées concernent notamment des hausses de TVA, des mesures sur les retraites et l'adoption d'une règle d'or budgétaire.

Parmi les élus de Syriza, 32 ont voté contre, 6 se sont abstenus et un seul était absent. Parmi eux figurent l'ancien ministre des Finances, Yanis Varoufakis, l'actuel ministre de l'Énergie Panagiotis Lafazanis, le vice-ministre de l'Emploi Dimitris Stratoulis et la présidente du Parlement Zoé Constantopoulou.

Le débat a commencé vers 21h00 heure, heure locale (18h00 GMT) alors que se déroulaient à l'extérieur des échauffourées entre plusieurs dizaines de jeunes gens casqués et masqués et la police. Jets d'engins incendiaires, destruction de mobilier urbain, de vitrines, ont fait se disperser une manifestation d'environ 12 000 personnes opposées aux réformes, à la suite d'une journée marquée par la première grève de fonctionnaires depuis l'arrivée de Syriza au pouvoir.

"Je suis là parce que le gouvernement n'a pas respecté notre vote du 5 juillet, ni ce que nous vivons depuis cinq ans", témoigne une manifestante, Heleni, 28 ans.
Plusieurs policiers, et deux photographes de l'AFP, ont été légèrement blessés dans ces incidents, et une quarantaine de personnes ont été arrêtées.

"Le pire moment de ma vie"

Le vote de jeudi, intervenu environ une heure après la limite de minuit requise par les créanciers, est la première étape d'un parcours du combattant fixé à Athènes lundi matin par l'Union européenne (UE) et le Fonds monétaire international (FMI), afin de lui permettre d'espérer un troisième plan d'aide d'au moins 80 milliards d'euros.

Le moins que l'on puisse dire est que M. Tsipras et ses partisans, tout en tenant fermement à un oui, n'ont pas survendu le projet. "Lundi matin à 09h30 [moment de la signature] fut le pire moment de ma vie", a ainsi déclaré le nouveau ministre des Finances Euclide Tsakalotos.

M. Tsipras pour sa part a admis "désapprouver le projet d'accord sur de nombreux points", mais a estimé qu’il est meilleur que celui que les Grecs ont rejeté le 5 juillet à plus de 61% lors d'un référendum, notamment parce qu'il donne de la visibilité pour trois ans contre cinq mois précédemment.

Dans la journée, la vice-ministre des Finances Nadia Valavani a rendu son portefeuille. Quant à l'ex-ministre des Finances Yanis Varoufakis, qui ne s'est pas exprimé devant le Parlement, il a comparé l'accord à "un nouveau traité de Versailles", et l'a reproduit sur son blog, entièrement annoté de critiques en rouge, écrivant aux internautes : "Lisez ça et pleurez !".

Autre personnalité à voter non, le ministre de l'Énergie Panagiotis Lafazanis a assuré pour sa part après le vote que Syriza, dont il est à l'aile gauche, continuait "uni, et soutenait toujours fortement le gouvernement".

Le président par intérim du principal parti d'opposition Nouvelle démocratie, Evangelos Meïmarakis, a indiqué lors de la discussion qu'il ne demanderait rien en échange du vote de ses députés, et a assuré, après le vote, ne pas solliciter de motion de censure.

Tsipras pourrait s’en sortir

L'actuelle faiblesse de l'opposition grecque pourrait permettre à M. Tsipras de se tirer sans trop de dommages de ce vote gagné sans l'ensemble de son parti. Un sondage paru mardi indiquait que les Grecs, fatigués, étaient très majoritairement favorables à l'approbation des mesures d'austérité exigées par les créanciers, et que même en cas de remaniement de la coalition, ils souhaitaient à 68 % maintenir le chef de gouvernement actuel à la tête du pays. Celui-ci s'est enfin félicité, mercredi, que l'accord "oblige pour la première fois les Européens à discuter d'une réduction de la dette" du pays, qui atteint 180 % du PIB.

Le FMI a fait sensation mardi en semblant mettre dans la balance sa participation au prochain programme d'aide à la Grèce, si les Européens, qui la détiennent en grande majorité, n'allègaient pas celle-ci par des allongements de maturité spectaculaires, voire par une réduction pure et simple, dont ils ne veulent pas entendre parler pour l'instant. Mercredi, la directrice générale du Fonds, Christine Lagarde, a déclaré avoir désormais "un peu d'espoir" d'être entendue.

Le Premier ministre français Manuel Valls s'est dit d'accord pour un "allègement", mais par "reprofilage", non par réduction franche, mercredi devant les députés français qui ont eux aussi adopté, par 412 voix à 69, le nouveau projet d'accord pour la Grèce. Mais le texte doit encore passer en Europe devant d'autres parlements plus réticents, comme l'allemand ou le finlandais.

Après le premier pas du vote de la nuit, réalisé en deux jours et censé démontrer aux créanciers que la Grèce est désormais un partenaire de négociations fiable, Athènes attend désormais jeudi un peu d'air, sous forme d'une aide d'urgence des Européens pour lui permettre de faire face à ses besoins immédiats.

Ils devraient en débattre lors d'un Eurogroupe par téléphone en fin de matinée. La Grèce compte beaucoup aussi sur un relèvement de l'aide d'urgence de la BCE aux banques grecques, jeudi, lors de la réunion des gouverneurs. Ces banques sont fermées depuis le 29 juin, asphyxiant chaque jour un peu plus l’économie hellène.

Avec AFP et Reuters