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Un court-métrage pour dénoncer le calvaire des journalistes mexicains

L'enlèvement vécu par le journaliste mexicain Luis Cardona en 2012 est raconté dans un court-métrage d’animation. Il vise à dénoncer le climat de violence au Mexique dont sont notamment victimes les professionnels de l'information.

"Je suis le 16e". Le titre de ce court-métrage fait référence à une série de reportages publiés par le journaliste mexicain Luis Cardona en août et septembre 2012. Il a enquêté sur 15 enlèvements qui ont eu lieu dans l’État de Chihuahua, dans le nord du Mexique et le 19 septembre 2012, il est devenu le 16e. Un groupe d’hommes armés l’a arrêté en fin de matinée dans la ville de Nuevo Casas Grandes, en pleine rue.

Le calvaire de Luis Cardona est raconté en dessins dans le court-métrage en espagnol mis en ligne voici quelques semaines. Il a notamment été financé par l'Union européenne et l’Institut mexicain des droits de l'Homme et de la démocratie (IMDHD). Le journaliste narre par le détail son enlèvement, les coups, les insultes, les menaces… "Tu n’es pas un héros", répète l'un de ses ravisseurs. Luis Cardona est finalement emmené dans un endroit désertique où il pense devenir "de la chair à coyote". Il est étranglé et finit par perdre connaissance. "Je ne sais pas pourquoi il ne m’ont pas tué", se demande Luis Cardona dans la vidéo. Laissé seul, il a ensuite réussi à arrêter un véhicule.

L'objectif de ce projet est de mettre en lumière les risques encourus par les journalistes au Mexique. Début juillet, trois d’entre eux ont ainsi été tués dans des régions différentes. Selon Reporters sans frontières, le Mexique est le pays le plus meurtrier des Amériques pour les journalistes et occupe la 148e place sur 180 du classement mondial 2015.

"J’ai très peur de retomber entre leurs mains"

"Le but de ce court-métrage est de raconter la réalité que vivent les journalistes au Mexique, surtout ceux de province, qui sont à la merci des groupes politiques alliés au crime organisé. C’est une manière de protester", explique Luis Cardona dans une interview à France 24. "Nous avons tenté de refléter la vie d’autres camarades mais cela n’a pas été possible, pour des raisons de sécurité ou à cause de pressions. Du coup, on a utilisé mon histoire comme référence".

Depuis cet enlèvement, il a rejoint le rang des journalistes déplacés, contraints de quitter leur région pour pouvoir continuer à exercer leur profession. "À cause des menaces de mort, je travaille en dehors de l’État de Chihuahua", explique Luis Cardona, âgé de 55 ans. "Ma vie quotidienne est difficile. Je fais constamment des allers-retours dans la capitale du pays afin de ne pas être une cible facile. J’ai très peur de retomber entre leurs mains. Mais ma conscience et ma conviction m’incitent à continuer".

Malgré l’existence d’un mécanisme officiel de protection des journalistes, Luis Cardona ne bénéficie d’aucune mesure efficace. Il ne peut compter que sur un fragile boitier d’alerte qu'il peut actionner en cas d’agression, un dispositif censé donner aux autorités le lieu où il se trouve dans un délai d’une trentaine de minutes.

Luis Cardona publie désormais son travail sur le site d’enquête et d’analyse Diario19.com, qu’il a cofondé avec trois autres journalistes mexicains déplacés. Ce média vit notamment de diverses aides et donations. Des financements qu’il obtient surtout à l’étranger car il ne compte que sur un soutien très limité dans son propre pays où la violence semble sans fin et l’impunité quasi-totale.