
Des associations et des élus écologistes dénoncent "un passage en force" avec le vote d'un amendement dans la loi Macron d'un projet d'enfouissement de déchets nucléaires. Explications.
Un amendement à la loi Macron, introduit par le sénateur de Moselle Gérard Longuet (Les Républicains), ne passe pas du tout auprès des écologistes. Il entérine un projet de site d'enfouissement des déchets nucléaires situé à Bure (Meuse), unique en son genre en France.
Ce projet de centre industriel de stockage géologique, baptisé Cigéo et piloté par l'Agence nationale pour la gestion des déchets nucléaires (Andra), doit accueillir les déchets les plus radioactifs à 500 mètres sous terre à Bure, ainsi que des résidus de "moyenne activité à vie longue".
Ces déchets représentent 3 % du volume des résidus produits par les réacteurs français, mais concentrent 99 % de la radioactivité. Ils doivent rester confinés pendant 100 000 ans avant de ne plus être dangereux pour l'homme.
Après une centaine d'années d'exploitation, le tombeau sera refermé, confinant dans la roche quelque 70 000 m3 de déchets de moyenne activité (MAVL) et 10 000 m3 de déchets vitrifiés de haute activité (HA). En 2009, l'Andra a évalué le coût du projet à 35,9 milliards d'euros.
"Bombe à retardement"
Interrogé par France 24, Jean-Louis Roumégas, député de l'Hérault et chef de file pour les écologistes sur l'examen de la loi Macron, dénonce les dangers de cet enfouissement. Très remonté, l'élu estime que "c'est une bombe à retardement pour les générations futures, car personne n'est capable de dire aujourd'hui comment il sera possible de gérer ces déchets dans l'avenir".
L’introduction en catimini de l’amendement de Gérard Longuet dans la loi Macron a permis d’éviter toute discussion à l’Assemblée. La loi Macron a en effet été définitivement adoptée vendredi via un recours à l’article 49-3 de la Constitution, donc sans vote préalable des parlementaires sur le texte définitif.
Ce projet d’enfouissement se retrouve au final noyé parmi les plus de 300 articles d’un texte consacré à l’économie. C'est un "cavalier législatif", dénoncent les écologistes, un texte inséré dans une loi alors qu'il n'y a pas sa place.
"Passage en force"
"En incorporant cet amendement à la loi Macron, sans discussion, le gouvernement balaie les problèmes éthiques que pose l'enfouissement profond de ces déchets ", poursuit Jean-Louis Roumégas, "choqué par la méthode employée face à une question grave, qui aurait nécessité un débat".
"Ce passage en force se situe dans la droite ligne du déni de démocratie dont ont fait preuve l'Andra et les autorités depuis des années", a de son côté estimé l’association Sortir du nucléaire dans un communiqué. Il "en va malheureusement de même pour l'ensemble de l'industrie nucléaire : EPR imposé sans débat préalable, promesse électorale bafouée sur la fermeture de Fessenheim, etc.", ajoute l'ONG.
Cependant, cet amendement ne constitue pas encore un feu vert définitif. L’Andra devra déposer une demande d’autorisation de création de l’installation en 2017.
Les Verts comptent désormais livrer bataille sur le plan juridique. "Nous allons faire une lettre ouverte au Conseil Constitutionnel pour l'éclairer sur un certain nombre de points qui font que l'adoption de cet amendement dans la loi Macron n'est pas conforme à la Constitution", explique à France 24 Denis Baupin, député Europe Écologie Les Verts de la 10e circonscription de Paris et vice-président de l'Assemblée nationale.
De son côté, le groupe Les Républicains va déposer un recours contre l'ensemble de la loi Macron. L'instance devrait se prononcer d'ici le mois d'août.
Avec AFP et Reuters