Le 7 juin, les Libanais se rendront aux urnes pour élire leurs députés. Au traditionnel féodalisme politique s'ajoute désormais une multitude de candidats apparentés à un "martyr", ce qui souligne la violence qui régit le pays du Cèdre.
Le 7 juin prochain, les Libanais sont convoqués aux urnes pour élire leurs députés. Ce scrutin à l’issue indécise sera décisif pour l’avenir toujours incertain du pays. Un peu plus de 580 candidats vont se disputer les 128 sièges du Parlement. Parmi eux, une catégorie se dégage. Elle rassemble les candidats des dynasties politiques libanaises. Au traditionnel féodalisme politique - inhérent au régime confessionnel en vigueur - s’ajoute une multitude de candidats apparentés à un "martyr", ce qui met un peu plus en exergue la violence de la vie politique au Liban. Deux ténors de la majorité actuelle, Walid Joumblatt et Saad Hariri (photo), ont ainsi succédé à leurs pères, Kamal Joumblatt et Rafic Hariri, respectivement assassinés en 1977 et en 2005.
Héritiers de martyrs
Qu’ils soient fils ou filles d’hommes politiques assassinés ou héritiers d’un fief électoral (voire les deux), près d’une trentaine de candidats au prochain scrutin législatif portent un "nom" familier des électeurs, souvent gage de succ
ès. Parmi les plus connus, Nadim Gemayel, fils de l’ancien président de la République libanaise Bachir Gemayel, assassiné en 1982 et dont la dynastie est souvent comparée à celle des Kennedy, en raison de ses nombreux membres tués. Il se présente pour la première fois aux élections à Beyrouth, tout comme sa colistière Nayla Tuéni, 24 ans, fille du journaliste et député Gebran Tuéni, assassiné en 2005.
Il n’est toutefois pas le seul candidat issu de cette famille maronite, bien ancrée sur la scène politique. Son cousin, Sami, est lui aussi candidat, mais dans une autre circonscription, dans le Metn. S’il est élu, le fils de l’ex-président de la République Amine Gemayel succèdera au Parlement à son frère, Pierre, jeune député et ancien ministre de l’Industrie assassiné en 2006.
Une relève qui porte "les stigmates de la violence"
Dans le nord du pays, à Zgharta, c’est Michel Moawad qui prend la relève de sa mère, Nayla, députée, ancienne ministre et… veuve du président Réné Moawad, assassiné en 1989."Si je suis très fier d’être le fils de mes parents, je préfère que les électeurs m’accordent leurs voix pour soutenir mon programme et mon parcours politique, plutôt que pour mon nom de famille", déclare-t-il à France 24.
"Je ne veux pas conforter le système féodal libanais, auquel je ne crois pas. Il ne doit pas perdurer et je me bats justement pour faire entendre la voix des jeunes et leur permettre de participer à la vie démocratique", ajoute Michel Moawad, qui reconnaît que son nom lui permet de mieux faire entendre sa voix. "La jeune génération à laquelle appartient mon fils est consciente des dangers, puisqu’elle a été marquée dès l’enfance par les stigmates de la violence. Elle doit se montrer à la hauteur et continuer la bataille pour la souveraineté du Liban", estime Nayla Moawad.
Beau-fils, neveu et femme "de"
Opposé aux Moawad dans cette circonscription, Sleimane Frangié est l’héritier du fief électoral longtemps tenu par son grand-père, l’ancien président éponyme, et par son père assassiné en 1978 : le député Tony Frangié. Ce proche du président syrien Bachar al-Assad va tenter de reconquérir son siège perdu en 2005. Son allié de l’opposition, le général Michel Aoun, qui avait récolté la majorité des voix chrétiennes en 2005, n’est pas issu d’une grande famille politique. D’origine modeste, il se targue d’être le premier des pourfendeurs du féodalisme politique. Pourtant, il a récemment propulsé Gebran Bassil, son beau-fils, à la tête du ministère des Télécommunications... Ce dernier est, à l’instar du neveu du général Aoun, Alain, candidat à la députation. Son éternel rival, qui brigue également les suffrages chrétiens, Samir Geagea, leader des Forces libanaises, a désigné son épouse, Sethrida, comme candidate dans son fief de Bécharré, situé dans le nord du pays.
Cette liste non exhaustive des nouvelles et des anciennes dynasties politiques, auxquelles on peut ajouter les Chamoun, les Karamé et les El-Assaad, met en lumière le cloisonnement de la vie politique au pays du Cèdre. Mais en y regardant de plus près, en plus de la légitimité que leur confère leurs noms de famille - comme le veut la tradition au Moyen-Orient -, il s’agit pour nombre d’entre eux de défier la série d’assassinats politiques qui a décimé leurs familles.