
Sous pression de Bruxelles, la Hongrie a finalement fait marche arrière sur sa décision de suspendre le règlement "Dublin III". Celui-ci impose que les demandeurs d’asile qui sont entrés dans l'UE via son sol soient reconduits sur son territoire.
Plus une semaine ne passe sans que la Hongrie ne défie Bruxelles sur le terrain des politiques migratoires. Après avoir annoncé l’installation d’une clôture à sa frontière avec la Serbie et lancé une campagne d’affichage anti-immigration très offensive, Budapest avait indiqué, mardi 23 juin, vouloir suspendre le règlement dit "Dublin III", qui organise l'examen des demandes d'asile en Europe.
Sous pression de l'Union européenne (UE) et de l'Autriche voisine, le gouvernement dirigé par le souverainiste Viktor Orban est finalement revenu sur sa décision mercredi, mais a demandé une "patience technique" avant de pouvoir accueillir d'autres réfugiés clandestins. "Nous avons besoin d'élargir nos capacités d'accueil", a fait valoir le porte-parole du gouvernement, Zoltan Kovacs.
"Qui veut une Europe sans frontières doit respecter Schengen"
La règle "Dublin III" dispose qu'une demande d'asile doit être examinée par le premier pays de l'UE dans lequel le migrant est arrivé. Celui-ci est susceptible d'y être reconduit s'il le quitte ensuite pour un pays voisin. Concrètement, la suspension aurait permis de refuser que soient reconduits en Hongrie des migrants venant de ce pays et interpellés ailleurs, notamment en Autriche ou en Allemagne.
>> À lire sur France 24 : La Hongrie accusée de vouloir dresser un "nouveau Rideau de fer"
Selon les chiffres officiels, la police hongroise a interpellé quelque 60 000 migrants illégaux depuis le 1er janvier. Presque toutes ces personnes, arrivant pour la plupart de Syrie, d'Irak et d'Afghanistan, mais aussi du Kosovo, ont été arrêtées à la frontière avec la Serbie, qui ne fait pas partie de l'espace Shengen. Une grande majorité de ces réfugiés ont l'intention de rejoindre l'Allemagne ou d'autres pays d'Europe du Nord plutôt que de demeurer dans le pays.
L'Autriche, où la plupart des réfugiés clandestins interpellés arrivent de Hongrie, avait critiqué, mardi, les velléités de Budapest : "Qui veut continuer d'avoir une Europe sans frontières doit respecter les règles de Schengen, avait affirmé la ministre autrichienne de l'Intérieur, Johanna Mikl-Leitner, à l'agence de presse APA. Cela implique bien sûr également de s'en tenir au règlement de Dublin."
"Situation exceptionnelle"
La Hongrie et l’Autriche ne sont pas les premiers à s’écharper sur la disposition de Dublin III. La semaine dernière, Paris avait réclamé que 200 migrants arrivés à la frontière franco-italienne de Vintimille soient "réadmis" en Italie où ils avaient été enregistrés, laissant entendre ainsi que Rome ne respectait pas les règles européennes. "Que se passe-t-il à Vintimille ? Il y a la nécessité de faire respecter les règles de Schengen et de Dublin. Quelles sont ces règles ? Lorsque des migrants arrivent en France, qu’ils sont passés par l’Italie et qu’ils ont été enregistrés en Italie, le droit européen implique qu’ils soient réadmis en Italie", avait rappelé le ministre français de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve.
>> À voir dans le Débat de France 24 : Migrants en Méditerranée : le naufrage européen
En 2011 déjà, Vintimille avait été le théâtre d’une crise diplomatique entre la France et l’Italie. Face à l'afflux de migrants tunisiens et libyens transitant par l’Italie, Paris avait alors suspendu la circulation des trains entre la Côte d’Azur et la ville italienne. "La Commission européenne avait alors donné raison à la France parce qu’elle considérait qu’il s’agissait d’une situation exceptionnelle", rappelle à France 24 Catherine de Wenden, directrice de recherche au CNRS. Dans la foulée, Nicolas Sarkozy, alors président, avait demandé une révision du traité de Schengen. Qu'il n'a pas obtenue.
Alors que le Conseil européen doit débattre, jeudi et vendredi à Bruxelles, de la répartition des demandeurs d'asile sur le continent, certains pays parmi les Vingt-Huit refusent qu’on les oblige à accueillir des migrants. Dans une déclaration commune publiée mercredi, les dirigeants de la Hongrie, de la Pologne, de la Slovaquie et la République tchèque ont réaffirmé leur droit de fixer eux-mêmes le nombre d’arrivants à accueillir, et leur refus des quotas que l'UE envisage de repartir entre ses pays membres.
Pour Catherine de Wenden, ces voix qui s’élèvent peuvent "fragiliser la position de la Commission européenne qui essaie d’impulser des politiques moins dures et moins sécuritaires. Quand Bruxelles adopte une attitude plus souple en matière migratoire, elle a mauvaise presse dans les opinions publiques. Il y a une dimension très populiste et électoraliste de cette Europe qui ferme les frontières."