Le groupe Bouygues a décidé mardi soir de repousser l'offre de rachat d'Altice, qui possède déjà l'opérateur Numéricable-SFR, pour sa filiale Bouygues Telecom. Le ministre de l'Économie Emmanuel Macron avait exprimé sa réticence.
Bouygues a rejeté, mardi 23 juin au soir, l'offre du groupe européen de télécoms Altice, maison-mère de Numericable-SFR, en vue du rachat de sa filiale Bouygues Telecom, estimant que cette dernière est en mesure aujourd'hui de poursuivre seule son développement.
Le groupe de BTP, de médias et de télécommunications explique notamment avoir jugé les risques d'exécution d'un mariage entre sa filiale et Numericable-SFR trop importants au regard des enjeux de concurrence. "Aucune réponse pleinement satisfaisante n'est apportée par Altice sur ce sujet essentiel (du droit de la concurrence, NDLR) qui serait étudié en détail par l'Autorité de la concurrence", souligne Bouygues dans un communiqué diffusé à l'issue de la réunion de son conseil d'administration.
Le gouvernement était réticent à la fusion
Bouygues justifie également sa décision par les risques sociaux que pourrait comporter un tel mariage, déjà vu d'un très mauvais œil par le gouvernement.
Altice avait proposé à Bouygues de racheter sa filiale de télécoms pour un montant qui pourrait atteindre, selon des sources, 10 milliards d'euros en numéraire.
Une telle opération aurait eu pour conséquence de ramener le marché français des télécoms à trois opérateurs, contre quatre actuellement depuis l'arrivée de Free (Iliad ) début 2012. Elle aurait aussi donné naissance à un nouveau leader du marché français, devant l'opérateur historique Orange.
Mais, les ambitions d'Altice et de son patron Patrick Drahi se sont vite heurtées aux réticences du gouvernement français qui redoutait qu'un rachat de Bouygues Telecom n'entraîne d'importantes suppressions de postes ainsi qu'une baisse des investissements dans les réseaux très haut débit.
Depuis dimanche, le ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, avait multiplié les avertissements. Devant les députés, le ministre, qui a reçu Patrick Drahi en début de soirée, a maintenu mardi la pression sur les protagonistes en réaffirmant ses craintes d'une "casse sociale".
"Il est à peu près évident qu'il y aura des destructions d'emploi à cause de cette opération. C'est ce qu'on appelle joliment des synergies", a ainsi déclaré le ministre lors de la séance des questions à l'Assemblée nationale.
Mais au-delà des inquiétudes sur le volet social et sur celui des investissements, le gouvernement redoutait surtout, selon des sources proches du dossier, qu'un mariage entre Bouygues Telecom et Numericable-SFR ne remette en cause la vente des fréquences 700 MHz pour laquelle le gouvernement doit lancer une procédure d'enchères cette année afin d'accélérer le déploiement de la 4G sur l'ensemble du territoire.
Grâce à ces enchères, dont la procédure a été calibrée sur la base de quatre opérateurs, l'État espère récolter près de 2,5 milliards d'euros de recettes déjà inscrites dans le projet de loi de Finances 2015 au titre des crédits pour la Défense.
Avec Reuters