Le président soudanais Omar el-Béchir est parvenu à repartir lundi d'Afrique du Sud, alors qu'un tribunal avait demandé aux autorités de l'empêcher de quitter le territoire. Retour sur le parcours de cet autocrate qui défie la justice internationale.
Au pouvoir depuis 25 ans au Soudan, Omar el-Béchir a réussi à échapper à la justice internationale. Interdit provisoirement dimanche de quitter l'Afrique du Sud, alors qu'il participait au sommet de l'Union africaine, l’autocrate est parvenu à prendre un avion, lundi 15 juin, pour regagner le Soudan. Un tribunal sud-africain avait pourtant enjoint les autorités à ne pas le laisser quitter le pays tant que la justice n'a pas statué sur une demande d'arrestation formulée par la Cour pénale internationale (CPI).
itLa CPI, qui le traque depuis 2009, a lancé contre lui deux mandats d'arrêt. Le premier pour crimes de guerre et contre l'humanité au Darfour, une région de l'ouest soudanais ravagée par les violences, le second en 2010, pour génocide.
Coup d’État et islam radical
Âgé de 71 ans et militaire de carrière, Omar el-Béchir a, depuis, organisé ses déplacements à l'étranger avec une grande méfiance et n’avait jamais été inquiété jusque-là. Avant d'aller en Afrique du Sud, le président soudanais s'était rendu dans au moins quatre pays signataires du traité de Rome, le traité fondateur de la CPI : la République démocratique du Congo, le Nigeria, le Malawi et Djibouti. Plus récemment, il était aussi allé en Arabie saoudite et en Égypte, non signataires du traité de Rome.
Omar el-Béchir est né le 1er janvier 1944 dans une famille rurale de Hosh Bannaga, à une centaine de kilomètres au nord de Khartoum. Le 30 juin 1989, le général El-Béchir, accompagné d’un groupe d'officiers, renverse le gouvernement démocratiquement élu de Sadek al-Mahdi. Son coup d'État est appuyé par le Front islamique national, le parti de son mentor Hassan al-Tourabi, devenu aujourd'hui l'un de ses plus farouches opposants. C’est sous l’influence de cet islamiste qu’il oriente alors le Soudan - pays morcelé en une pléthore de tribus et alors divisé entre le nord majoritairement musulman et le sud peuplé de chrétiens - vers un islam radical.
Le Soudan au ban des nations
Khartoum devient dès lors la plaque tournante de l'internationale islamiste, en accueillant de nombreux jihadistes ayant combattu en Afghanistan. Du terroriste Carlos au chef d'Al-Qaïda, Oussama ben Laden, les invités de marque d’Omar el-Béchir se caractérisent par leur haine du monde occidental. En réaction, Washington impose au pays depuis 1997 un embargo qui stérilise l’économie soudanaise.
Les relations entre "Béchir le militaire" et "Tourabi l'islamiste" se gâtent à la fin des années 1990, lorsque le premier tente de se démarquer de l'islamisme radical prôné par son mentor. En 2003, une rébellion dans l'ouest du Darfour est combattue par les forces armées et des milices alliées du pouvoir. Ce conflit, qui a fait plus de 300 000 morts et plus de 2 millions de déplacés, selon les Nations unies, lui vaut les poursuites de la CPI.
En 2005, le président polygame se décide à signer l'accord de paix avec les rebelles du Sud, qui ouvre la voie à un référendum sur l'indépendance de cette région majoritairement chrétienne, où sont concentrées les réserves pétrolières du pays. Celle-ci deviendra en 2011 l'État du Soudan du Sud.
En 2014, il annonce l'ouverture d'un dialogue national pour résoudre les conflits qui font rage dans les régions du Kordofan du Sud, du Nil Bleu et du Darfour, mais les discussions n'ont toujours pas commencé. Après avoir consolidé son pouvoir à coups de réformes pour en assuré la longévité, il est réélu pour 5 ans, fin avril, avec plus de 94 % des votes, lors d'un scrutin stalinien boycotté par l'opposition.
Avec AFP