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Le chef de l'État français doit effectuer lundi la deuxième visite en Algérie de son mandat. Au menu, des discussions sur les intérêts économiques et stratégiques communs des deux pays, et une rencontre avec le président Bouteflika.

C'est un déplacement express, d'une demi-journée. François Hollande se rendra lundi 15 juin pour la deuxième fois en Algérie en tant que président français, après une première visite en décembre 2012, largement consacrée à panser les plaies du passé colonial. À cette occasion avait été signée une déclaration de coopération et d'amitié entre Paris et Alger.

La première visée de cette nouvelle visite semble être économique : il s'agira notamment de renforcer un certain nombre de partenariats entre les deux pays. De gros contrats sont probablement à la clé, estime Rachid Tlemçani, enseignant-chercheur en sciences politiques à l'université d'Alger. "Ces dernières années, au niveau économique, les entreprises françaises ont raflé la mise", rappelle-t-il, interrogé par France 24. Ce sont des groupes français, par exemple, qui ont construit et exploitent les tramways d'Alger, Oran et Constantine.

Environ 450 sociétés françaises sont actuellement présentes en Algérie, principalement des petites et moyennes entreprises, mais aussi de grands groupes comme Alstom, Lafarge ou Renault. Elles représentent 40 000 emplois directs et 100 000 emplois indirects, selon la Chambre de commerce algérienne de commerce et de l'industrie. Un renforcement de ces liens permettrait de diversifier l'économie du pays alors que les revenus provenant des hydrocarbures, les principaux du pays, sont à la baisse.

L'Algérie, partenaire incontournable sur la sécurité

L'autre principal thème abordé devrait être la coopération sécuritaire. Alors que la France s'est positionnée comme fer de lance de la lutte contre le terrorisme islamiste, l'Algérie, voisine du Mali et de la Libye, est un allié de poids, qui s'est notamment illustré en menant la médiation internationale pour le conflit avec les groupes armés dans le nord du Mali.

Alger a même annoncé fin mai avoir presque éradiqué le terrorisme sur son territoire. Mais Paris aimerait que l'Algérie s'engage également dans cette lutte hors de ses frontières. 

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"La France voudrait que l'armée [algérienne] envoie des troupes [au Mali ou en Libye] (...) mais cela n'arrivera jamais", explique le politologue Rachid Grim à France 24, rappelant que traditionnellement, l'Algérie n'envoie jamais ses soldats hors de son territoire. Une solution de compromis serait selon lui qu'Alger apporte un soutien logistique et matériel, sans se départir de sa ligne stricte sur l'envoi d'hommes. Mais cela reste à négocier.

Depuis l'arrivée à l'Élysée de François Hollande, les relations entre Paris et Alger sont entrées dans une phase de nouvelle entente. "C'est dû à sa personnalité", estime Rachid Grim. "Il y a une grande différence avec le tempérament de Nicolas Sarkozy, il est plus calme, son langage est plus recherché, il évite de toucher l'amour-propre des Algériens", analyse-t-il.

L'amélioration est tellement nette que l'opposition algérienne a commencé à se méfier de Paris et accuse la France d'orienter les choix du pouvoir algérien, commente dans les colonnes du journal "El Watan" Mourad Preure, coauteur de "France-Algérie, le grand malentendu".

Une "réunion de travail" avec Bouteflika

Le président français devrait rencontrer dans un premier temps le Premier ministre algérien Admelmalek Sellal, et dans un second son homologue Abdelaziz Bouteflika. Le chef de l'État algérien, âgé de 78 ans, séjourne dans une résidence médicalisée à Zéralda, près d'Alger. Diminué depuis un AVC en 2013, il continue de diriger le pays, mais sa capacité à le faire est largement remise en question au sein de la population algérienne.

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Si aucun tête-à-tête ne devrait être au programme, une "réunion de travail" serait prévue entre les délégations, bien que le président algérien, en fauteuil roulant, ait des difficultés à s'exprimer. Pour Rachid Grim, il s'agit là d'une opération de communication, qui vise à montrer "qu'Abdelaziz Bouteflika est toujours aux manettes, qu'intellectuellement il a encore toutes ses facultés, même s'il est diminué physiquement".

Alors que Bouteflika n'apparaît quasiment plus en public, "ce sera une victoire pour le pouvoir s'ils arrivent à faire dire à François Hollande qu'il a rencontré quelqu'un d'intellectuellement valide", ajoute le politologue. Car en filigrane se dessine la question - dont on ne sait pas si elle sera évoquée - de la succession de Bouteflika et de sa capacité à aller jusqu'au bout de son mandat, en 2019.