Dimanche, les Luxembourgeois sont appelés aux urnes pour accorder - ou non - le droit de vote aux étrangers. En cas de victoire du "oui", le Grand-Duché serait pionnier au sein de l'Union européenne.
"Jo" ou "nee". Lors d'un référendum, les électeurs luxembourgeois sont appelés dimanche 7 juin à répondre par oui ou par non à l’abaissement de l'âge légal à 16 ans, à la limitation de la durée des mandats ministériels et, surtout, au droit de vote des étrangers. Une dernière question qui concentre à elle seule tous les débats.
Avec plus de 44 % de résidents étrangers, le Luxembourg est l’un des pays européens où le nombre d’habitants immigrés est le plus élevé. L'obtention du droit de vote pour les personnes non luxembourgeoises concernerait surtout les très nombreux Européens, et en tout premier lieu les Portugais et les Français qui représentent respectivement 16,4 % et 7 % de la population étrangère de ce petit territoire.
Pour l'heure, les résidents étrangers ne sont pas entièrement exclus du processus démocratique. Ils peuvent d'ores et déjà participer aux élections municipales et européennes, à condition toutefois d’être citoyens de l’Union européenne dans le cas de ces dernières. Mais le gouvernement de Xavier Bettel, un libéral de 42 ans à la tête d'un gouvernement de coalition qui regroupe les libéraux, les socialistes et les écologistes, ne compte pas en rester là et veut élargir ce droit aux législatives.
Si les Luxembourgeois se prononcent en faveur de la mesure, les 35 000 résidents étrangers concernés devront remplir deux conditions : résider depuis au moins 10 ans au Luxembourg (dont six mois minimum dans la même commune) et avoir participé au préalable à au moins une élection communale ou européenne pour les ressortissants de l'Union européenne (UE).
Un débat vieux de plus de 30 ans
Reste que la question divise les Luxembourgeois. Et ces divergences ne datent pas d’hier. En 1981 déjà, l’Asti (Association de soutien aux travailleurs immigrés) avait déjà lancé le débat. Sans parvenir à mettre les citoyens du Grand-Duché d’accord.
Aujourd’hui, les partisans du "oui" regroupent les trois partis du gouvernement (DP, LSAP, Déi Gréng), le parti d’extrême gauche, Déi Lénk, le Parlement des Jeunes ainsi que les acteurs du monde économique et culturel. Quelque 43 responsables culturels ont en effet manifesté leur encouragement à voter "oui" tout comme 50 chefs d'entreprise. "Toutes ces personnes participent au bien-être du pays, contribuent à son PIB et œuvrent à la diversité culturelle qui fait la richesse de cette nation", a fait valoir Norbert Becker, l'un des patrons les plus emblématiques du Grand-Duché.
Un symbole fort pour les étrangers
Pour le Premier ministre Xavier Bettel, il s’agit avant tout de "moderniser" un processus électoral qui manque singulièrement de cohérence. "On a beau retourner le problème dans tous les sens, il n'y a pas d'autre pays européen où seulement 40 % de la population élit ses représentants", a déclaré le chef du gouvernement luxembourgeois. Et d’ajouter, "aux prochaines élections, quatre personnes sur 10 vont pouvoir dire si elles sont satisfaites de ma politique ou non ! Aucun autre pays au monde, sinon Dubaï, n'arrive à notre niveau de déficit démocratique".
Plus généralement, les défenseurs du vote des résidents étrangers pensent que cette nouvelle disposition électorale permettra aux non-Luxembourgeois de se sentir davantage reconnus et représentés. Leur vote constituerait un symbole très fort de la part de l’État pour favoriser l’intégration des étrangers qui vivent au Luxembourg.
Stratégie politicienne
Autant d’arguments qui ne convainquent pas les plus hostiles à la mesure. Pour les responsables du parti populaire chrétien-social (CSV), le recourt au référendum est avant tout une stratégie politicienne. "Le référendum a simplement été une tentative du gouvernement pour mettre les principaux partis d'opposition sous pression afin d'atteindre la majorité des deux tiers", a déclaré Claude Wiseler (CSV). Xavier Bettel s’est défendu de toute stratégie politique. Pour ce dernier, il s’agit moins d'un vote sur la popularité du gouvernement ou celle du Premier ministre que de l’avenir du pays.
Au-delà de la tactique politicienne, les défenseurs du "non" voient là une offense à la souveraineté nationale. Outre les considérations d'identité culturelle que le vote des étrangers pourrait altérer, certains réfractaires pensent qu'il modifierait trop en profondeur le paysage politique luxembourgeois. D’autres enfin craignent que le vote ne freine l'intégration. Nombre d’électeurs favorables au "non" estiment en effet que les naturalisations diminueront si les étrangers accèdent au droit de vote, faute de motivation suffisante.
En attendant, bien malin celui qui pourrait prédire les résultats du référendum. Les sondages prédisent des scénarios très divergents. Selon un sondage de l’institut d’étude TNS/Ilres, publié en février dernier, les électeurs luxembourgeois sont plutôt opposés au droit de vote des étrangers pour les législatives (40 % de oui contre 53 % de non), 80 % des étrangers y sont, quant à eux, favorables. Mais d’autres sondages prédisent l’exact contraire en donnant le "oui" gagnant. Fin du suspens dimanche soir.